SGDA Plenum

Régulièrement, la Suisse Game Developper Association organise des plénums autour de divers sujets concernant la chose vidéoludique. Majoritairement organisés en Suisse alémanique, ils sont peu suivis par la communauté romande. Un coin de Pixel est donc parti avec son petit carnet en expédition Outre-Sarine prendre la température du développement suisse allemand.

L’événement prenait place à Zürich dans le fraîchement créé « ZHdK Inkubator », un programme d’incubation d’entreprise apportant aux étudiants en Game Design de la Haute Ecole d’Art de Zürich un soutien pour la création de start-ups. Des locaux à prix bas ainsi qu’un mentorat régulier sont mis à leur disposition afin de les aider à transformer leur projet d’étudiant en produit commercialisable. C’est donc bien logiquement que la majorité de ce plénum leur était consacré.

La première présentation, menée par Anna Lisa Martin, chercheuse pour la ZHdK, exposait son travail sur le game design destiné aux jeux d’exercice (Exergames). Ces jeux, devenus populaires avec l’apparition de Dance Dance Revolution de Konami à la fin des années nonante, conjuguent des dynamiques propres au game design d’une part et à l’exercice physique d’autre part. L’objectif pour elle et son équipe était d’équilibrer les contraintes de chacun pour pouvoir obtenir cet état de « Flow » si cher à That Game Company. En effet, si pour y parvenir le jeu doit équilibrer défi et maitrise, l’exercice physique doit lui trouver un équilibre fragile entre intensité et efficacité. Le système, mis en application dans le jeu Flitz, consiste à surveiller le rythme cardiaque du joueur pour adapter la vitesse du jeu. Par ce moyen simple, tant la difficulté que l’effort demandé sont calqués sur le rythme joueur lui même.

Niche ouvrait la présentation des jeux d’étudiants de la ZHdK. Ce projet de Philomena Schwab aborde le thème de la sélection naturelle au moyen d’un jeu se voulant à la fois ludique et instructif. Si initialement le jeu est une distraction, au fil de l’exploration du gameplay le joueur apprend de véritables notions de génétique. S’il est difficile de se prononcer sur la qualité des mécaniques après cette succincte présentation, on peut par contre déjà apprécier une présentation convaincante rappelant les animaux sculptés dans les troncs peuplant nos montagnes.

Deux projets moins avancés suivaient. Le premier, « OpinionGames: Spielerische Meinungsbildung » avait pour but de provoquer la réflexion sur le débat politique. Un exemple nous était donné avec le cas de la votation sur le Grippen: le joueur pouvait s’essayer à la protection du territoire avec le nouvel avion ou ceux déjà en possession de l’armée suisse. Le jeu en lui-même ne prend pas position mais fait office de support à la réflexion pour les joueurs. Il est un peu tôt pour se prononcer sur l’efficacité du concept étant donné son stade peu avancé et une présentation en allemand quelque peu obscure pour votre serviteur.

Le second, « Game Design mit 3D-Malerei », n’était lui pas un jeu mais une technologie permettant d’obtenir un rendu en 3D se rapprochant plus de la peinture. Souvent, dans un jeu vidéo réalisé en 3D, le jeu final est fort éloigné des concept arts initiaux, l’objectif de cette technologie est donc de pouvoir réduire cet écart au maximum. Si j’en crois les « Ohhhh » et « Ahhhhh » de mes voisins de chaise spécialisés dans le domaine, je peux en conclure que le projet présente un intérêt certain.

Tabea Iseli et Andreas Halter reprenaient ensuite le flambeau avec un projet bien plus avancé. Trials of Totem est un jeu multijoueur à la 3ème personne. Le joueur y incarne un fantôme prenant possession de totems pour se battre. Chaque totem ayant évidement ses particularités: le renard est invisible, le lapin rapide, le tatou résistant, etc… Lorsque le joueur détruit un autre totem interprété par un joueur concurrent, il lui prend son pouvoir et ce dernier, réduit à l’état d’esprit immatériel, doit se retrouver une incarnation. Le but final est de cumuler les pouvoirs de tous les joueurs présents. Aujourd’hui, le jeu est au stade de démo, mais l’objectif est de renforcer l’équipe et de viser une publication sur PC via Steam Greenlight.

Dernier jeu présenté, Tower Offense était également le plus convaincant du lot. Il oppose deux joueurs dans un combat de tours. Chaque joueur possède une tour avec trois points de vie et doit détruire celle de son adversaire. Pour ce faire, un espace similaire à une grille de Tetris est disposé devant chaque tour. Les joueurs y empilent des modules d’attaque ou de défense, sachant que chacun des huit modules combinés à ses voisins et aux tirs adverses génère des situations inédites à chaque partie. Selon le créateur Robin Bornschein, l’inspiration principale de ce système est tant Minecraft que Castle Doctrine, mais dans les deux cas il trouvait frustrant que la construction prenne l’ascendant sur l’action. Avec Tower Offense, il souhaite garder les possibilités d’émergence que proposent ces jeux tout en synthétisant l’action au maximum.

C’est avec cette présentation que s’est clôturé l’événement. Si tous les jeux n’étaient pas forcément très aboutis, tous proposaient un véritable game design. Chacun des créateurs avait une réel connaissance du domaine et une formidable énergie ludique communicative. Contrairement à de nombreux événements en Suisse romande ou la notion de jeu se dilue dans un océan de vidéos ostentatoire, ici le gameplay est bien au centre des préoccupations. La ZHdK prouve donc avec ses étudiants qu’un espace institutionnel formateur de créateurs de jeu et non uniquement de belles images vaguement interactives est possible en Suisse. Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que cette belle initiative fasse des petits de notre côté de la Sarine.