Rising Thunder

Les mots sont facétieux. Prenons au hasard « Exécution ». Un mot fort peu charmant qui encourage au premier abord à brutaliser son prochain. La magie de la langue lui fait prendre de nouveaux atours lorsqu’on le place dans le contexte spécifique du jeu de combat. En effet, malgré le caractère toujours violent du contexte, « exécution » fait ici allusion aux combinaisons de touches nécessaires au déclenchement des coups spéciaux. Une convention qui vingt ans après Street Fighter 2 et son légendaire hadoken n’a pas été énormément chamboulée.

Même les plus ignares d’entre vous connaissent le quart de cercle suivi d’un poing de la caractéristique boule de feu de Ryu. Depuis son avénement populaire il y a 25 ans, le jeu de combat a fait du chemin mais l’exécution complexe de ses coups spéciaux n’a quasiment jamais été remise en question. Une situation étrange tant les raisons de son introduction sont liées à un contexte bien différent de celui d’aujourd’hui. Le coup spécial d’alors était rare: il n’était utilisé que par une minorité de joueurs possédant à la fois la connaissance de son existence et les capacités pour exécuter la complexe manipulation. Aucun manuel n’indiquait leur existence, seul le bouche-à-oreille débloquait leur accès. A l’aube des années 90, la boule de feu était la marque des grands sur le ring des salles d’arcades. Aujourd’hui, ces manipulations s’étalent partout dans des manuels de jeu, les tutoriaux et en passant par Internet. Dès lors, leur maîtrise et celle de leurs grands frères combos sont devenus le minimum requis pour accéder au plaisir de ces bastons ludiques. Une situation qui fait la gloire des tournois prestigieux mais le malheur des débutants et des maladroits dans mon genre.

Combo_list

Petit extrait de « l’accessibilité » de Blazeblue

Rising Thunder, actuellement en Alpha ouverte, compte bien bousculer tout ça. Le lecteur cultivé me rétorquera que Smash Bros a déjà changé la donne depuis bien longtemps. Certes, tu as raison cher lecteur, seulement Smash Bros a jeté la moitié de la maison avec l’exécution, si bien qu’il est extrêmement difficile de classer le jeu dans la catégorie classique des jeux de combat. Il s’apparente plus à un savoureux mélange de Beat Them Up et de VS Fighting. Rising Thunder conserve lui bien sagement tous les principes fondamentaux de Street Fighter 2, tels que la garde haute et basse, les coups faibles, moyens et forts ou la choppe, ainsi que la cohorte de notions plus barbares tel que le cross-up, mix-up ou cancel. Rising Thunder ne touche pas à la richesse des possibilités tactiques mais à leur accessibilité. Ici les attaques spéciales sont attribuées à de simples boutons comme les coups standards. Une solution qui pourrait engendrer des tempêtes infinies de boules de feu si elle n’était pas conjuguée à un élément inspiré judicieusement des Mobas. Chacune de ces attaques est soumise à un cooldown plus ou moins long selon son efficacité. Une façon élégante de renforcer l’aspect tactique tout en facilitant l’accès aux moins aguerris.

Et Radiant Entertainement ne s’est pas arrêté là. Chaque personnage propose une palette de coups interchangeables. Une petite modification en apparence qui engendre un ressenti très différent des jeux de combat traditionnels. Tout d’abord, dans Rising Thunder une rencontre se joue sur deux matchs gagnants, les joueurs ayant la possibilité de changer leur configuration entre chaque match. Au sein du même match, les adversaire peuvent donc se surprendre avec des configurations aux atouts très différents. Mais là où les coups interchangeables ont le plus de conséquences, c’est dans le lien du joueur à son personnage. A l’image des items dans un Moba, le joueur pourra changer considérablement son style de jeu suivant sa configuration d’attaques. Une possibilité très appréciable, puisqu’elle permet de jouer avec de nouveaux éléments tactiques sans être obligé d’y laisser son personnage fétiche.Rising_Thunder

Dernier pied de nez aux usages du genre: le combat ne peut avoir lieu sur le même écran. Ce choix permet à Radiant Entertainement de proposer des coups impossibles sur un écran partagé, tel qu’un combattant qui disparaît complètement sur l’écran de l’adversaire ou des projectiles touchant une zone à un timing visible uniquement pour l’attaquant. Si cette possibilité est un peu sous exploitée à l’heure de cette alpha, elle devrait à n’en pas douter ouvrir un nouveau champ tactique une fois exploitée correctement.

Je n’ai habituellement pas pour habitude de m’étaler autant sur un jeu au développement aussi peu avancé, seulement Rising Thunder a fait renaitre en moi un plaisir oublié depuis le prestigieux Fatal Fury Mark of The Wolves. Sa simplicité d’accès conjugué à sa profondeur tactique ont rappelé à mes doigts empotés que derrière l’exécution inaccessible de Street Fighter 4 et King of Fighters XIII se cache le genre ludique préféré de mon adolescence. Un constat aussi heureux qu’amer car si certains trentenaires s’amusent toujours malgré cette exigence, la nouvelle génération joue elle à Fifa.