Salut cher Lecteur! Cela fait fort longtemps que je n’étais venu pourfendre ton ignorance de mon esprit brillant. Peut-être t’es tu même fait du soucis pour moi. Ne t’inquiète pas, je ne suis pas mort, le monde ludique m’a seulement moins énervé ces derniers temps. Heureusement Owlboy a débarqué il y a un petit mois entouré d’une aura critique quasi divine. Comme eux, je suis sûr que tu es convaincu de la perfection de cet nouvelle « perle indé ». Je m’en viens donc l’argument au poing te rappeler que tu n’as rien compris.
Une fois n’est pas coutume, je vais lâcher quelques gentillesses avant de déverser la fange de ma pensée. Oui Owlboy est joli. Il faudrait être un sacré connard pour l’attaquer sur ce point là. La forge à pixels a chauffé à plein pour un rétro résultat des plus enchanteur. De plus toute cette beauté est au service de personnages et d’une histoire des plus attachants. Le garçon hiboux évite les emphases pénible propre à nombre de productions ludiques pour nous raconter un conflit planétaire quasi intime. A tel point qu’au milieu de mes notes de début de jeu on trouve carrément les termes « thématisation merveilleuse ». Ca s’est gâté juste après.
Le coeur du gameplay d’Owlboy réside dans sa mécanique de transport. Owlboy, comme son nom l’indique, vole. Sa petite clique de copains à l’inverse sont des bipèdes standard mais armés de projectiles aux propriétés diverses. L’affaire va donc consister à les trimballer avec soi pour violenter les ennemis et franchir des obstacles soumis à leurs capacités spéciales. Du moins c’est ce que semble indiquer le premier donjon.
Lors de cette mise en bouche, on résout de petites énigmes agréable en déposant notre premier ami sur des interrupteurs ou à des endroits stratégiquement viables pour qu’il ne se blesse pas. On a même droit à toute une séquence fort maline séparé de lui ou l’on est confronté à des ennemis préalablement gérés au pistolet, que l’on doit maintenant défaire avec nos compétences de volatile. A ce stade, je vibrais littéralement d’enthousiasme, quand sans explications la fin de ce premier niveau me jetait au visage la téléportation. Plus besoin de transporter précautionneusement mon partenaire et de m’angoisser de son absence, je pouvais l’appeler n’importe où et n’importe quand à la pression d’un bouton.
Mon cher Lecteur, je vois bien qu’à ce stade tu t’es dit comme tout les autres ignares que c’était une chouette idée. Que transporter des bipèdes pendant dix heures allait te fatiguer. Mais te rends-tu bien compte que le jeu venait de violer sa mécanique centrale et de transformer le précieux BFF du héros en vulgaire pistolet. Pire, non seulement on change d’amis comme d’arme dans un Metroid, mais on se retrouve encombré des restes de la mécanique de transport qui rend cauchemardesque la saisie de tout autre objet. Nos amis apparaissent certes à la volée, mais ils restent accrochés sous notre personnage, donc lorsqu’il faut se saisir d’autres entités il est nécessaire de les lâcher au préalable. Au bout de la trentième fois ou le copain pistolet se superpose à ce que l’on cherche à saisir, la crise de nerf n’est pas loin. Mais la bonne nouvelle là dedans c’est qu’il y a bien pire.
Dans le podcast Tone Control, Clint Hocking dit avoir appris en travaillant sur Splinter Cell Chaos Theory que dans un jeu la vraisemblance de l’univers repose avant tout sur la cohérence de ses règles. Visiblement les petits gars de chez D-pad Studio n’ont pas travaillés sur Chaos Theory. Owlboy c’est la fête du slip du sans queue ni tête mécanique: les puzzles ont des règles qui changent à la volée, les personnages ennemis s’enfuient par des portes sur lesquels ils n’ont aucun pouvoir, les portes s’ouvrent et se ferment au bon vouloir des énigmes, certains interrupteurs sont sensibles au poids d’un seul personnage, d’autres à tous, bref le jeu ne fait pas beaucoup d’efforts autre que visuels pour rendre crédible l’univers qui nous est proposé. Et je ne vous ai même pas parlé du monde ouvert qui ne sert à rien. Mon cher Lecteur sais-tu à quoi l’on reconnait celui qui ne maîtrise pas son level design? Il met des téléporteurs partout. Dans Owlboy on ne téléporte pas que ses potes, on téléporte tout ce qui nous passe sous la main. Le joueur doit revenir dans une zone pour les besoins de l’histoire? Téléporteur. On a besoin d’un objet pour un puzzle? Téléporteur. Un personnage qui n’a rien à faire là doit intervenir? Téléporteur. Cette facilité pourrait encore être excusable dans un jeu linéaire mais dans un monde ouvert cela casse complètement l’intérêt principal de cette structure: la cohérence géographique de l’univers.
Ami Lecteur, je suis de bonne humeur alors je t’épargne la vitesse de vol arthritique du héros qui force l’utilisation permanente d’un dash sans autre utilité ou les puzzles qui préfèrent changer leur thème plutôt que leurs mécaniques. Car malgré tout, grâce à sa « thématisation merveilleuse », Owlboy n’est pas un mauvais jeu. C’est simplement l’oeuvre d’une équipe d’artistes de grand talent mais de game designers médiocres. Et c’est ma foi plutôt pas mal pour un premier projet. Ce qui est réellement atterrant, c’est de voir ta misérable personne et la quasi totalité de la critique ludique mondiale se contenter de ça.