Vous n’avez rien compris à Halo

Salut à toi mon lecteur idiot. Ne fais pas cette tête, je t’ai entendu te moquer à l’évocation d’Halo dans le titre de l’article: « nianiania, la vie qui se recharge toute seule, nianiania le jeu avec un viseur aussi gros que ma tête, nianiania des extraterrestres violets fluo ». Tu es mignon quand tu râles mais je me vois à nouveau obligé de te prouver que tu n’as rien compris.

Je te l’accorde, je suis un peu sévère avec toi, car quand il s’agit de la série Halo, les fans sont aussi bêtes que les détracteurs. Ils énumèrent pêle-mêle des qualités présentes dans des tas d’autres FPS. La sensation des armes est fantastique, le multi est fun, les décors sont magnifiques, il y a des véhicules pour se battre ou encore les ennemis sont drôles. Sans compter sur mes petits préférés: « le Master Chief a trop la classe et l’histoire est passionnante, t’as vu il y a même des livres ». Alors qu’on soit bien clair: non, Master Chief n’est pas classe, c’est une boîte de conserve verte avec le charisme d’une moule morte. Bungie l’a voulu comme ça pour laisser la place au joueur de s’incarner lui-même dans l’armure du futur qui rend trop fort. C’est le génie du marketing qui a dans un deuxième temps choisi de starifier un personnage inexistant. Quant à l’univers et ses intrigues de supermarché, je laisserais des gens plus qualifiés que moi t’expliquer que la science-fiction est capable de bien mieux. A vrai dire, il y a un seul argument, cité de droite et de gauche, qui effleure la surface du vrai génie de la série Halo: la qualité de son intelligence artificielle.

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Le « charisme ».

Puisque tu poses régulièrement tes yeux sur un coin de Pixel, tu n’es pas sans savoir que le terme intelligence artificielle dans le jeu vidéo est un abus de langage. Ce que l’on regroupe sous ces termes est en réalité un assemblage de scripts donnant l’illusion d’une intelligence. Il se trouve que dans Halo, ces derniers sont nettement plus nombreux que dans le FPS lambda. Dans un Call of Duty, l’IA peut faire en moyenne 3 à 4 actions significatives, soit tirer, se mettre à couvert et lancer une grenade. Dans Halo, Bungie a voulu donner aux IA une palette de possibilités la plus proche possible de celle du joueur. Les ennemis peuvent (en plus des actions pré-citées), demander des renforts, charger, changer d’arme, prendre et aborder un véhicule, se replier, se faire exploser, etc… Le premier intérêt de cette palette enrichie, c’est évidemment la variété de situations que cela permet: l’IA ne réagira pas pareil s’il y a un véhicule disponible ou non, si le joueur a éliminé tel allié ou s’est positionné plus ou moins loin de la zone de combat. Une variété de situations inédite qui a par ailleurs amené Bungie a inaugurer le principe de « la vie qui se recharge toute seule » que tu aimes à railler. Si elle annihile en grande partie la tension dans un FPS traditionnel, elle fait parfaitement sens dans un jeu où chaque retour au combat est l’occasion d’une situation nouvelle. Cette mécanique permet au joueur de réinitialiser à l’envie une bataille mal engagée sans passer par la case fastidieuse du Game Over.

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Extrait d’une présentation de Bungie à la GDC 2002.

Je vois à tes yeux grands ouverts que tu commences à entrevoir le brio qui anime le design de Halo. Bonne nouvelle, ce n’est pas tout. En effet, à quoi servirait toute cette richesse de comportements si le joueur ne pouvait les identifier? Pour ce faire, Bungie a doté chaque ennemi d’animations ou de dialogues permettant au joueur de définir leurs prochaines actions. Par exemple, lorsque les Elites crient en levant les bras au ciel, ils s’apprêtent à charger ou lorsque les Grunt fuient en criant à l’aide, ils attirent des ennemis plus coriaces. Grâce à ce système, Bungie empêche le joueur de se noyer sous l’impressionnante quantité de situations générée par son IA mais surtout il lui donne les instruments pour se « jouer » intelligemment de ses opposants.

« Ouais mais n’empêche, le viseur il est trop grand». Certes, ami simplet, le viseur est grand et il est impossible de rater un Grunt dans un couloir, seulement on s’en fout. Si tu as bien lu ce qui précèdes, tu auras compris que Halo contrairement à ses petits copains FPS n’est pas une affaire de « comment tuer » mais de « qui et quand tuer ». Lorsque l’on a autant de comportements différents qui se mélangent dans un combat, tout le plaisir provient de la hiérarchisation des cibles et quasiment plus de la visée. Alors je comprends bien que cela frustre quelque peu ton ego de roi du quick scope mais tu seras bien obligé d’admettre que c’est un choix fort judicieux pour un jeu se jouant exclusivement sur console.

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Halo au sommet de sa forme.

Evidemment, il reste l’épineuse question des extraterrestres violets fluos. L’amateur moyen te ferait remarquer qu’ils ne sont aujourd’hui plus si fluos que ça. Personnellement, je te suggérerais de te faire à cette terrible faute de goût. Car si le fluo s’en est allé avec Bungie, le génie de la série lui a emboîté le pas. Aussi surprenant que cela paraisse, 343 Industries, les nouveaux développeurs de la licence, partagent un point commun avec le toi d’il y a cinq minutes: il n’ont rien compris à Halo.