Je pense depuis longtemps que le jeu vidéo est un art, mais Dieu sait si il y a des jours où j’aimerais que ce ne soit pas le cas. Comme le démontre l’excellent documentaire « Faites le mur » de Banksy, cette dénomination a le chic pour attirer les imposteurs et leur cortège de moutons zombifiés. Monument Valley est un imposteur et les moutons se pressent au portillon.
Le gameplay se présente comme un Echochrome pour Mamie. Ce dernier était un brillant jeu de réflexion sur PSP demandant à son joueur de jouer des perspectives d’Escher pour acheminer son avatar d’un point A à un point B. Monument Valley use des mêmes perspectives mais sans jouer de rien. On ne décèle quasiment aucune ambition mécanique. Rien dans ce jeu ne sert plusieurs fois. Chaque manipulation d’un axe, chaque porte, chaque escalier ne sert qu’une seule fois. A l’exception du tout dernier passage lors duquel j’ai cru sentir un de mes neurones s’activer, tout est aussi limpide qu’une balade en forêt avec tata Louise. Alors peut-être devrait-on parler d’interactivité plutôt que de gameplay. Visiblement, Monument Valley préfère user d’Escher pour surprendre visuellement et conter une histoire. Comme il serait mal venu de juger une « oeuvre » sur ses faiblesses, attardons-nous donc sur ses prétendues forces.
Monument Valley est beau. Très beau. Si beau qu’il juge bon de vous proposer de faire un screenshot à chaque fin de stage. Il veut que vous le montriez à vos amis sur Internet. Un peu comme Nabilla. L’analogie ne s’arrête malheureusement pas là. Comme elle, malgré son inspiration légèrement orientale, il souffre d’un manque caractéristique de personnalité. Il s’inspire donc des jeux qui en ont: un personnage en robe à la Journey par-ci, une ambiance à la Ico par-là, et surtout un incompréhensible découpage du jeu en stages à la Angry Birds. Curieuse décision que celle de segmenter à la hache le flux d’un jeu qui se veut narratif et immersif. Comme une Nabilla décidant soudainement d’entrer à l’Académie française, Monument Valley n’a même pas la décence d’être cohérent avec lui-même. Peut-être a-t’il quelque chose de valable à raconter alors?
Malheureusement pas. Il s’essaie, toujours comme Journey, à une narration par le gameplay en oubliant totalement qu’il en est dépourvu. Pire, contrairement à son modèle, il utilise de mauvais textes pour conter une histoire prétentieuse snobant son joueur alors qu’elle n’a rien à dire. Visiblement Monument Valley aime Journey mais pour les mauvaises raisons: « Journey c’est bien parce que c’est de l’ART » me dit-il en exhibant sa présentation siliconée pour dissimuler son absence de fond.
Parce que je suis de bonne humeur et pas totalement constitué de mauvaise foi, je lui laisse deux jolis moments: une boîte magique que le joueur peut ouvrir en plusieurs endroits révélant en son centre un niveau différent à chaque fois et une tour se dévoilant à mesure que le niveau de la mer baisse. Bien maigre compensation qui ne m’a pas empêché de lui régler son compte sans regret après avoir vu défiler les noms des quelques « wannabe » à l’origine du projet.
« T’es un jeu vidéo et tu fais pas de l’ART? Non, mais allô quoi! »