Hall of Games

Dans une Suisse Romande peu fournie en salons dédiés au jeu vidéo, Hall of Games est sorti du néant en début d’année. La promesse était alléchante: un grand festival réunissant les multiples formes du jeu vidéo, du jeu rétro au jeu indépendant en passant par une brochette de personnalités youtoubiennes et d’ailleurs, pour relever le tout d’une pincée de réflexion. L’événement ayant eu lieu il y a dix jours à Sierre, quant est-il de ces promesses? Petit retour sur une montagne de bonnes intentions.

Pour comprendre le décalage entre l’idée que l’on se faisait de l’événement et son exécution, il est nécessaire de comprendre dans quel cadre il a été conçu. Projet affilié au programme « Business eXperience » de la HES-SO Valais, Hall of Games est le projet de futurs diplômés. Le but étant, selon le site officiel, « de préparer au mieux les étudiants afin qu’ils puissent affronter les défis qu’ils auront à relever durant leur carrière professionnelle ». La HES mettant à disposition des participants un capital de départ de 10’000 CHF, les auteurs de Hall of Games ont eu dès le commencement des moyens dont peu d’initiateurs de conventions en Suisse Romande peuvent se targuer. Ceci a visiblement permis de financer une affiche alléchante avec des personnalités telles que la célèbre joueuse de « VS Fighting » Kayane ou encore Atomium, connu pour sa chronique sur le jeu indépendant chez jeuxvideo.com. Si cela permet judicieusement d’attirer le public, cela condamne l’événement à être à la hauteur de ses ambitions au risque de décevoir. Ce qui fut le cas tant sur la forme que le fond.

En ce qui concerne la forme, la convention a pris place dans les murs de la HES. La distribution des différents points d’intérêts s’est faite dans des salles de classes. Choix compréhensible économiquement parlant mais souffrant d’un premier décalage évident avec l’ambition que sous-tendait son programme: le choix d’un établissement scolaire envoie immanquablement au visiteur le message d’un événement local destiné aux jeunes.

Classe Hall of Games

Malheureusement, l’école ne s’est pas contentée de poser le décor mais a donné le ton de la journée dans son ensemble, car à l’image de nombreux événements liés au jeu vidéo, le discours manquait grandement de maturité. Comme les autres, Hall of Games semble s’excuser d’exister. Attitude discernable dès la déclaration d’intention du communiqué: « La première édition de la convention Hall of Games a pour but ultime de rassembler différentes communautés – hardcore gamers, novices des jeux vidéo, parents-enfants – pour prouver que la pratique des jeux vidéo n’est pas négative mais qu’elle permet de développer d’autres sens et de créer des liens avec tout type de personnes ». Attitude louable si la convention s’était déroulée dans les années 90, mais en 2014 alors que le jeu vidéo est définitivement installé dans le monde culturel, vouloir convaincre les derniers récalcitrants revient à vouloir persuader Tati Danielle que le rock’n’roll ne transforme pas les gens en pervers sexuels. Le public averse au jeu vidéo n’étant par essence pas disposé à se rendre à une convention vidéoludique, la démarche ne résulte qu’en une dépense d’énergie inutile. La conférence de prévention sur le jeu vidéo en est la meilleure preuve, avec sa dizaine de spectateurs perdus dans une salle bien trop grande pour eux.

Prévention Hall of Games

Echo étrange à cette volonté tout public, une zone +18 abritait Battlefield et Fifa, deux portes-drapeaux du jeu pour adolescents et surtout anti-thèses du jeu pour adultes. Il serait bienvenu de se rappeler que le PEGI fut mis en place par l’industrie du jeu vidéo dans les années 90 pour éviter de se voir imposer des restrictions extérieures à une période où la polémique faisait rage. Aujourd’hui, alors que le jeu vidéo est porté aux nues dans les médias à l’image de la sortie de GTA V, il serait peut-être temps de prendre un peu de distance avec cette norme lors d’événements culturels. Globalement, il est temps de cesser de vouloir prouver à des gens absents qu’ils se trompent et de se concentrer sur le fond pour éveiller le visiteur présent.

Du point de vue du fond d’ailleurs, on peut saluer Hall of Games pour avoir fait l’effort de proposer un panel d’expériences ludiques variées. Etaient représentés: le jeu indépendant, le jeu en ligne massivement multijoueur, le jeu compétitif, des conférences, des formations et même une histoire du jeu vidéo à travers un choix de jeux traversant les âges. Si certaines de ces initiatives étaient réussies comme les interventions de professionnels du milieu vidéoludique, d’autres laissaient paraître, malgré leur bonne volonté, un manque de connaissance flagrant du médium de la part des organisateurs. Le jeu indépendant était tristement représenté par un unique studio, laissant croire que notre pays est dépourvu de créateurs alors qu’il existe un vivier de projets ne demandant qu’à être mis en valeur. L’histoire du jeu vidéo faisait elle plus penser à une collection de consoles qu’à une réelle mise en place réfléchie. On trouvait par exemple Worms pour représenter la Dreamcast ou l’émulateur Mugen pour illustrer la Neo-Geo.

DC Hall of Games

A nouveau, il est frappant à quel point la convention était partagée entre ses prétentions professionnelles et l’amateurisme de certains aspects. Si compiler de nombreuses facettes du jeu vidéo et des intervenants peut suffire à un petit événement régional, lorsqu’on aspire à un travail d’envergure professionnelle il est nécessaire de constituer une équipe comportant des membres aux connaissances pointues à même de créer un programme cohérent et doté d’un fil rouge.

En 2014, il ne suffit malheureusement pas de bonne volonté pour créer un événement vidéoludique de qualité: il s’agit de prendre le jeu vidéo au sérieux, d’avoir du respect pour le média et travailler ses connaissances afin de lui faire honneur. Loin de moi l’idée de décrier le travail de la sympathique équipe à l’origine du projet, mais malheureusement le résultat n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée dans sa communication. Si l’intention était de faire de Hall of Games une petite convention régionale, je modérerais la dureté de ma critique. Par contre, si comme je le crois il s’agit d’en faire une grande convention romande pour le jeu vidéo, je ne peux que réaffirmer mon propos: Hall of Games est l’événement que la Suisse Romande mérite, pas celui dont elle a besoin.