La Menace Lumineuse

Au début de la vague de jeux mobiles, énormément de développeurs ont tenté d’importer tels quels les jeux que l’on avait sur nos consoles de salon. Un phénomène idiot mais humain qui a donné lieu à de désastreux sticks virtuels. Si l’adaptation de la plupart des genres s’est révélée catastrophique certains ont tiré leur épingle du jeu. Le RPG est de ceux-là: son aspect tour par tour favorisant la réflexion plutôt que l’adresse lui a permis de s’adapter convenablement aux écrans tactiles. Pour autant, jusqu’à aujourd’hui la formule RPG n’avait toujours pas trouvé une base mécanique propre à ce nouveau format. Vous vous doutez donc bien que je ne vous raconte pas cela juste pour le plaisir d’avoir l’air intelligent mais plutôt parce que La Menace Lumineuse vient brillamment combler ce manque.

Avant d’aborder la plus chouette trouvaille de ce jeu inspiré d’un dessin animé Cartoon Network, intéressons-nous à divers petits ajustements qui rendent l’expérience tout particulièrement agréable sur une surface tactile. Tout d’abord, un élément qui est souvent négligé dans les jeux mobiles au sens large et tout particulièrement dans les RPG truffés de menus à rallonge: l’interface. La Menace Lumineuse a le bon goût de nous afficher quasiment que des boutons pour aveugles. Tout est énorme! C’est peut-être peu pour vous mais pour moi et mes gros doigts boudinés ce fut l’occasion de se prendre pour un pianiste pendant les quatre à cinq heures que dure le jeu. Deuxième petite sucrerie: le système d’évolution. Loin des feuilles de personnages longues comme le bras des RPG PC, La Menace Lumineuse propose à chaque prise de niveau une à trois augmentations. Ces dernières vont de l’incrémentation bête et méchante de statistiques à l’acquisition de nouvelles capacités. Pour autant, qui dit court ne dit pas forcement inintéressant: le studio Grumpyface a veillé à ce que les choix soit toujours cornéliens et engagent le joueur dans un style de jeu précis. Le troisième point malin, c’est la structure en niveaux. Ici, l’inspiration est plus Angry Birds que Dragon Age. Le jeu est divisé en cinq mondes, eux-mêmes subdivisés en une petite dizaine d’étapes. Toutes sont sujettes à un pourcentage de complétion un peu similaire au système d’étoiles de l’irritant jeu d’oiseau. Etrange pour un RPG, me direz-vous. Certes, je vous répondrais, mais pas ici et ce pour deux raisons toutes simples. Premièrement, cela permet de créer de courtes boucles de jeu bien définies pour le joueur mobile pressé et surtout cela s’acoquine parfaitement avec notre prochain point: le level design.Attack-the-Light

Le souci avec les écrans tactiles de nos téléphones, c’est que l’on ne connait pas leur taille. Certains jouent sur des tablettes, d’autres sur des téléphones et pour les gens d’extrêmement mauvais goût sur des téléphones de la taille d’une tablette. Résultat des courses: si l’idée évidente d’user du doigt comme d’un pointeur fonctionne sur les grandes surfaces, sur les plus petites il obstrue la vision et perd grandement en précision. En conséquence, la plupart des RPG sur ce support nous proposent par défaut mon ami moisi le stick analogique. Grumpyface s’est un peu plus creusé la tête que les autres pour nous proposer une solution dont je parie qu’elle fera référence. Dans La Menace Lumineuse, on ne contrôle pas directement notre équipe. Chaque niveau est segmenté en une quinzaine d’écrans que l’on peut explorer à l’envie d’un glissement de doigt en direction du prochain. A l’image des cases d’un jeu de l’oie, nos personnages suivent bien sagement le mouvement sans que leur position sur l’écran aie une quelconque influence sur le jeu. Lors de la rencontre avec une case comportant des ennemis, ils adoptent automatiquement une position de combat, sinon ils se contentent de patienter au centre de l’écran. C’est là qu’intervient l’idée de complétion typique des jeux mobiles. D’une part, chaque décor peut receler des trésors plus ou moins cachés que le joueur devra toucher du doigt pour les collecter. Et d’autre part, de nombreux passages secrets sont dissimulés derrière des murs à priori innocents. Ces mécaniques toutes simples ont le bon goût d’être amusantes, mais surtout elles se conforment à l’exigence principale du jeu mobile: la nécessité de délivrer un maximum de choses en un minimum de temps.

La Menace Lumineuse, hormis son emballage visuel Cartoon Network fort discutable, est un petit bijoux de réduction du RPG. Chaque élément, de l’interface au level design en passant par les combats inspiré de Paper Mario entrent en symbiose avec l’aspect nomade du support de jeu. Le jeu de Grumpyface est au RPG ce que la trousse de voyage est à la salle de bain: une version condensée et transportable de l’original qui, à défaut d’en posséder tout le confort, nous offre l’excitation incomparable de la découverte de nouveaux horizons.