ÉPISODE #9: L’épisode avant le 10.

Les cendres de ma cigarette viennent de choir irrespectueusement sur mon clavier, au moment même où je m’efforçais de composer une introduction aguichante. Je me vois donc logiquement contraint et de les laisser s’exprimer en vous transmettant leur message : gftzsr. Promis, le reste de la Bwate est (à peine) plus tangible.

FISHBONES

OùKonJoue: SurInternet | KiKiafé: Lucie Héloïse Paul Félix Tom et Titouan
Keske sé: 5 minutes / Gratuit / BrowserGame, Unity / Oui et non en même temps.
Via: Oujevipo
BDCL9_Fishbones
Certains pourraient prétendre à insinuer que Fishbones est un miroir grinçant dont les reflets acidulées se tordent dans les éclats de notre réalité contemporaine dispersée. D’autres encore, pourraient sommairement le qualifier d’hipster shit. Mais d’autres encore n’auraient certainement rien à commenter.

J’ai entendu dire que si vous vous frottez à Fishbones quelques temps après le décès d’une personne de votre entourage, il est possible d’entendre sa voix résonner quelque part dans le vide qui vous engloutira. D’autre part, une rumeur court, celle d’une clé. À cette plongée vers les entrailles d’un éternel inconnu, s’oppose donc le fébrile espoir d’une échappatoire. Mais là encore, il ne s’agit peut-être que d’une rumeur.

Ainsi livrés à vous-mêmes dans la turpitude esseulée de ce florilège de possibilités toutes relatives, vous serez peut-être tenté de fermer les yeux sur ce balai abyssal aux intentions incalculables. Détourner le regard fut en effet le seul possible auquel je fus capable de sereinement adhérer lors de ma désescalade. D’ailleurs, je vous mets au défi de vous accrocher à toute autre vérité.

 

 

NOT EVERYTHING IS FLAMMABLE

OùKonJoue: gamejolt | KiKiafé: DAM
Keske sé: 10 minutes / Prototype Gratuit / MAC et PC / Initiation aux joies de la pyromanie.
BDCL9_NEIF
Dans mon inconscient collectif intime, c’est l’eau qui est l’élément qui donne la Vie. Ma déconvenue n’en fut que plus existentielle dès mes premières étincelles dans NOT EVERYTHING IS FLAMMABLE. En effet, c’est bel et bien le feu qui y est symbole de vitalité.

NEIF a la carcasse d’un runner classique: il faut survivre le plus longtemps possible jusqu’à atteindre une extrémité potentielle. Mais à contrario d’autres productions du genre, ici pas de place pour un monsieur en jetpack ou un archéologue marathonien. En effet, vous incarnez le FEU, dans son essence la plus ultime, mais également fragile. Il vous faudra bondir de gauche à droite en transférant vos ardentes flammèches sur les objets qui voudront bien se laisser consumer. Une fois en contact avec ceux-ci, vous en prenez le contrôle, jusqu’au prochain. Vos anciens hôtes carbonisés ne sont plus éligibles comme foyer. C’est d’ailleurs rapidement problématique, car le temps qui vous est imparti avant de vous transformer en vulgaire tas de cendre inanimé s’ampute en proportion de l’énergie dépensée à vos mouvements. Prudence et anticipation seront donc de rigueur tout du long de votre promenade pyromane boulimique.

Fort heureusement, ce ne ne sont pas les combustibles qui manquent. Une ribambelle d’objets inanimés et de créatures inoffensives n’attendent plus que de se rôtir pour vous servir d’éphémère passerelle. D’ailleurs, bon nombre d’entre eux disposent de propriétés physiques ou de modes de déplacements qui leur sont propres. Cette bonne idée permet d’aborder certains passages selon différentes stratégies, qu’il faudra assimiler petit à petit. Rien de tel pour donner envie de relancer une partie après un cuisant échec, évidement.

NEIF est le parfait exemple d’un projet intelligent. Une base simple, à savoir celle du runner, combinée avec un décorum qui s’articule naturellement sur une mécanique un brin originale: le feu ça brûle. Cerise sur le brasier, il y a des écureuils à cramer. Que demander de plus ?

Le jeu a une sortie de prévue pour le courant du mois de mai cette année sur IOS, si l’envie vous prend de le bêta-tester, sachez que les développeurs seront ravis de vous envoyer une copie. Il suffit de prendre contact par ici noteverythingisflammable[at]gmail.com

 

 

PERFECT GLOWING BODIES

OùKonJoue: itch.io | KiKiafé: StrangeThink
Keske sé: 2 minutes – 2h00 / Gratuit / PC, Mac, Linux / Simulateur de création de personnage.
BDCL9_PerfectGlowingBodies
Il est très difficile d’échapper à ce bien étrange phénomène qui a frappé et qui frappe encore bon nombre de gamers, toutes catégories confondues. Sournois, il s’immisce fréquemment entre le joueur et sa première tentative d’intrusion dans un nouvel univers. Fourbe, il se présente au premier abord comme la perspective d’une expérience plus personnelle. Chronophage, il peut même aller jusqu’à empiéter sur la volonté même de jouer. J’ai nommé, la personnalisation de l’avatar.

Que ce soit au travers des Sims, des Miis, des MMORPGs ou même de GTA, nous avons tous été confrontés un jour ou un autre à cette possibilité de créer ou de modifier le personnage que l’on peut incarner. Donner l’opportunité de façonner un avatar au joueur pour que celui-ci puisse s’y retrouver apparaît comme louable, mais sérieusement dans les faits, ça finit souvent en monstruosité. Combien d’horreurs infâmes ont déjà vus le jour sous la responsabilité maladroite de millions de joueurs pourtant nourris par de bonnes intentions? Beaucoup trop. Plus la marge de manoeuvre est élevée et plus souvent les personnages ont de chance d’être mutilés. « Écartement des arcades sourcilières » / « Hauteur des oreilles », c’est vite facile de déraper.

Perfect Glowing Bodies est uniquement un créateur d’avatar, mais pas dépourvu d’intention. De formes à peu prêt anthropomorphiques, nos créations demeurent pourtant affranchies de toutes considérations esthétiques normalement propres à ce genre d’expérience. Impossible de décerner un sexe, une race, une classe, ou quoique ce soit qui puisse servir de repère.

C’est ce qui rend Perfect Glowing Bodies intelligent. Il m’a servi de miroir, il m’a renvoyé à la gueule un comportement que je ne me soupçonnais pas. J’ai essayé de faire un bonhomme avec un petit cul et des épaules larges, un peu comme un V ma Chérie, comme dirait l’autre.

J’en ai été incapable, pour de multiples raisons. Le « jeu » est conçu de telle manière à brouiller nos repères et à nous pousser en dehors de nos conceptions les plus élémentaires, d’ailleurs non sans une pointe d’ironie. Et vous, qu’allez-vous faire ? Vous n’en aurez certainement aucune idée, mais vous vous heurterez probablement à une frustration. À vous dès lors de la cerner. C’est tout ce que Perfect Glowing Bodies a à vous offrir, mais avec un chouïa d’introspection c’en devient carrément intéressant.

 

 

LOST CONSTELLATION

OùKonJoue: itch.io | KiKiafé: Alec Holowka /Scott Benson / Bethany Hockenberry
Keske sé: 1h30 / Gratuit / PC, Mac, Linux / Aventure, exploration, une histoire super choue.
LostConstellation
Lost Constellation est un de ces jeux que j’ai laissé reposer dans la cave de mes favoris. Un peu comme cette fameuse bouteille de bon vin qui attend l’occasion spéciale pour être dégustée. Mais à la différence d’un breuvage d’exception, je l’ai sifflé d’une traite et tout seul.

Longest Night: Lost Constellation est une espèce d’aparté au très prometteur et attendu Night in the Woods. Ni prologue, ni démo, ni preview, les développeurs ont simplement créé une histoire tangente à celle de leur titre principal. Une bonne manière de faire goûter avant l’heure la tonalité et l’esprit particuliers de cet univers intriguant qui nous attend dans le jeu définitif.

Autant vous le dire tout de suite, ça fait MONSTRUEUSEMENT envie. Chaque ligne de texte se savoure. Les dialogues vont à l’essentiel et ne se perdent pas en longueur comme c’est encore trop souvent le cas, tout en distillant habilement la personnalité palpable de chacun des personnages. J’ai beaucoup souri. En effet, difficile de ne pas s’attendrir devant ces bonhommes de neige confus qu’on érige au hasard et qui nous permettent de communiquer avec l’esprit des défunts esseulés qui traînent dans la forêt. Encore plus ardu de ne pas pester devant ce marchand de cercueils avare et particulièrement inhumain qui ne manquera pas de vous rabâcher l’inéluctable et morbide dessein de votre naïve pérégrination. Mais c’est de bonne guère, le type pense juste à son business. Je pourrai encore vous parler de ce chat un peu taquin et mystérieux, de la pauvre gosse visiblement en proie à un syndrome de Stockholm complètement assumé et à cette malheureuse sorcière clairement sénile. Le bestiaire est fourni, juste comme il faut, et chaque rencontre résulte en une agréable surprise.

Mais la véritable force de cet univers chatoyant et léger, c’est la tonalité autour de laquelle il se déploie. En effet, il s’agit d’une bedtime story narrée par un grand-père à son petit-fils, où le joueur incarne le personnage principal mué par un objectif dont on ne réalise toute la poésie qu’à son dénouement. Lost Constellation parvient à cristalliser avec brio ce que j’ai envie d’appeler un vrai conte pour adultes (non pitié, pas de mauvaises pensées là-dedans). Une morale à peine perceptible, laissée à l’interprétation de chacun, et le sentiment doux d’avoir vécu une belle Histoire.

J’ai attendu le bon moment pour y jouer et j’ai eu raison. Je l’ai parcouru sans interruptions, même si je dois avouer avoir été confronté à quelques petites fantaisies de game design pas forcément nécessaires qui m’ont parfois un peu perdues. Rien d’insurmontable, la magie a quand même opéré. L’attente de Night in the Woods n’en est désormais que plus insupportable.

Voilà, chocobisous.