ÉPISODE #4 : Pour vous, témoins de Jéhovah.

Avertissement: cette rubrique ne tient nullement compte du contexte saisonnier sensé impliquer les références à un vieux personnage barbu qui aime s’occuper de petits enfants, ou le travestissement mercantile d’innocents conifères arrachés à leur habitat naturel.

 

 

JUSTIN’S MIND

OùKonJoue : newgrounds | KiKiafé : WrinkledArt
Keske sé : 10 minutes / Gratuit / Flash / Point & Click / Chelou et malsain
Via : Oujevipo
BDCL#4_justins mind
Justin’s mind est conçu pour vous mettre mal à l’aise. Lorsqu’on le parcourt, difficile de ne pas s’interroger quant à la santé mentale du responsable de sa création : est-il toujours en liberté ? Est-ce qu’il habite prêt de chez moi ? Puis, le jeu devient de plus en plus désagréable, et là on se demande carrément pourquoi s’infliger ça. En effet, la grande force de Justin’s mind réside dans son sound design. Riche, complètement barré, incisif, il parvient à s’insinuer jusque dans l’échine du joueur qui se trémousse de malaise sur sa chaise. Mais le jeu est d’une simplicité limpide, si bien qu’on se retrouve bloqué qu’à de rares endroits où il faut malheureusement chercher à pointer sur un pixel invisible pour que Justin daigne se déplacer ; syndrôme du fameux point and click narratif.

Cependant, cette maladroitesse de game design participe en grande partie à la force du jeu. On ne s’y amuse pas. Tandis que le jeu défile assez rapidement, on souhaite juste parvenir à sa fin le plus rapidement possible, découvrir sans trop s’attarder tous les tableaux et personnages barrés qu’on peut croiser. Parce que oui, vu le degré d’insanité qui s’en dégage, Justin’s mind parvient à faire naître une inavouable curiosité. Jusqu’où ce truc va-t-il nous amener, qu’elle en est la conclusion ? J’ai adoré détester jouer à ce truc, et si tout comme moi un pan de votre personnalité abrite des fantasmes de masochisme vidéo-ludique, n’hésitez pas.

 

 

AND THE MOMENT IS GONE

OùKonJoue : gamejolt | KiKiafé : Mike Mezhenin
Keske sé : 10 minutes / Gratuit / Unity / Narrative / Mélancholie
Via : KillScreenDaily

Il est trop tard. Mais que se serait-il passé si j’avais agi autrement ? Avec des si, on peut mettre Lutèce en Amphore, Paris en bouteille ou fourrer une Bratwürst avec Berlin. Néanmoins, difficile de restreindre son esprit à toutes les possibilités qui nous ont échappées. Tous, nous nous sommes déjà perdus à réimaginer nos choix et à extrapoler leurs probables conséquences. Les jeux vidéos narratifs à embranchements multiples émoustillent parfois cette curiosité. Que se serait-il passé si j’avais choisi l’autre option ? And the moment is gone fait humainement différemment. Le joueur doit se battre contre les pensées du personnage qu’il incarne. Invasives, flottantes, elles persistent et on essaie tant bien que mal de s’y retrouver. Normal, notre personnage est en pleine rupture avec Kate, sa désormais ex-copine. Le moral n’est pas vraiment au beau fixe, les questions existentielles foisonnent et se bousculent. Le jeune homme a également tendance à se perdre dans ses rêves éveillés. C’est d’ailleurs en les provoquant qu’il est possible de passer au tableau suivant, en découvrant quelle pensée permet de s’évader dans une rêverie (pro-tip : clic de gauche sur les pensées dont le cadre est légèrement grisé).

And the moment is gone est vraiment réussi. Sans artifice et grâce à la simplicité de son gameplay, au premier abord anecdotique, il parvient à évoquer au joueur ce sentiment mélancolique qui surgit lorsqu’au travers d’événements marquants notre vie mérite d’être questionnée. Plus important que les conséquences des choix que vous serez amenés à réaliser, c’est la retranscription de ce sentiment qui prévaut et qui en fait un jeu atypique et intelligent.

 

 

EGG BOSS

OùKonJoue : itch.io | KiKiafé : G.P. Lackey
Keske sé : 5 minutes / Gratuit / Unity / Memory sous LSD
BDCL#4_EggBoss
Je n’aime pas les memorys. Ils m’évoquent des après-midi d’enfance posé sur un carrelage froid à contempler dans l’ennui des images d’animaux figés sur des bouts de carton, tandis que dans la salle à côté s’entrechoquent des verres de vin blanc. Il n’y a aucune place pour l’amusement ou la créativité. Les paires de représentations demeurent insensibles les unes aux autres, et il n’y a aucun power-up ou carte événement qui permettrait de rendre ce labeur un poil excitant. C’est un peu comme apprendre par coeur ses tables de multiplication, sans la certitude que cela puisse nous être utile plus tard.

Mais heureusement il y a Egg Boss, le simulateur de memory sous LSD. Les couleurs flashys en background, tantôt répugnantes, tantôt hypnotisantes et les sons bizarres qui résultent de chacun de nos clics rendent l’expérience de ce memory étonnement plus digeste, ou du moins intéressante. Il vous faudra cliquer tour à tour sur les oeufs pour écouter le son qui en émane, et retrouver l’oeuf aux sonorités similaires. Lorsque vous parvenez à trouver des paires, les oeufs correspondant éclosent et une créature étrange s’en extirpe. C’est tout. Alors oui, ça reste un memory, mais c’est déjà mille fois plus palpitant que tout ceux auquel vous avez pu vous essayer. En plus, le jeu dégage une atmosphère on ne peut plus particulière. Car même si à première vue rien ne permet d’y prétendre, l’expérience a des vertus relaxantes.

 

 

JUST AN OTTER GAME

OùKonJoue : ludumdare | KiKiafé : Logan
Keske sé : 10 minutes / Gratuit / PC / Mario et Zelda font l’amour
Via : oddities
BDCL#4_JustAnOtterGame

J’aime les jams, car elles sont d’incroyables incubateurs à idées décomplexées, germées dans le stress, imparfaites mais excitantes. Just an Otter game rassemble toutes ces qualités et ses faiblesses. Réalisé dans le cadre de l’avant-dernière Ludum Dare ayant pour thème Connected Worlds, ce petit bout de jeu ne délivre tout son potentiel qu’arrivé à son deuxième niveau. Certes, on pourra lui reprocher sa physique de platformer oldschool imparfaite, tâchée d’inertie peu maîtrisée. On pourra également se plaindre du level design abrupt qui rend approximatif l’apprentissage de sa mécanique. Mais bordel, qu’est-ce que c’est cool de se laisser surprendre par ce moment magique où on réalise l’incroyable potentiel de cette idée simple mais géniale. Ce seul déclic intellectuel justifie à lui seul le fait de jouer à just an Otter game. Il est jouissif et rassurant.

 

 

LEVEL 2 THE VIRUS MASTER

OùKonJoue : gamejolt | KiKiafé : LazyBrainGames
Keske sé : 10 minutes / Gratuit / PC / Clip ludique de metal
BDCL#4_Level2Virus
Un clip vidéo-ludique, un peu dans la même veine que fucking werewolf drumset asso, voilà ce qui vous attend. Mais en lieu et en place du 8bits scream punk des suédois de fucking werewolf asso, préparez vos délicats tympas aux rifts endiablés d’un groupe de métal progressif : Last Chance to Reason. Le tout prend la forme d’un shoot-em-up tout à fait profitable aux néophytes les moins aguerris. En effet, il n’est pas possible d’échouer. Au pire des cas, votre score est diminué. Ainsi soulagé de la peur d’un cuisant et humiliant échec, le joueur est transporté entre les différents environnements qui sentent bon la débauche visuelle des années 80. La difficulté du jeu se calque sur les montées en rythme et en décibels de la bande-son, ce qui a pour excellent effet de dégager une aura épique aux moments les plus assourdissants. Level 2 The Virus Master est propre, distrayant et devient encore plus ludique si le joueur se lance pour défi d’accéder au boss final. Pour ce faire, il faut atteindre un certain score qui demandera un peu plus de patience et de doigté.

Je m’étonne encore de ne pas voir fleurir plus de productions de ce genre, tout à fait profitable autant aux game designer qu’aux groupes de musique. Quoi de plus fun et sympathique que de jouer sur un jeu taillé sur mesure sur la bande-son d’un groupe qu’on adore ? Que ça soit d’un point de vue purement marketing ou de game design, la démarche mériterait d’être beaucoup plus exploitée. À quand un plateformer poétique répondant aux mélodies tendres et douces d’un groupe de folk, ou un simulateur de conduite basé sur du hip-hop banlieusard bien chargé ? Ce ne sont pas les possibilités qui manquent…

Voilà, chocobisous.