Yamgun

Quand on jardine, il faut tout d’abord prêter attention à la qualité de son terreau puis maîtriser la pousse de ses plantes. Dans le fleurissant jardin du jeu vidéo romand, nous accueillons en cette fin d’année Yamgun de Digital Kingdom, un petit studio veveysan. Voyons ensemble si leur dernière plante est à même d’augmenter le rayonnement de notre jardin régional.

Pour cela, nous allons commencer par nous rouler dans la terre des mécaniques de jeu. Yamgun fait penser à une réinterprétation moderne et horizontale de Space Invaders. Le joueur est au contrôle d’un canon de défense d’une ville menacée par des envahisseurs venus d’ailleurs. Ces derniers apparaissent sur la droite de l’écran face à un canon vissé sur un axe vertical du côté gauche de l’écran. Sans surprise, il ne s’agit pas de leur envoyer des bisous mais de grosses cartouches pour leur refaire le portrait avant qu’ils n’abiment les murs de la ville. Première constatation: le jeu est très agréable à l’oeil. Les animations sont soignées, les couleurs harmonieuses et surtout l’ensemble est d’une lisibilité sans faille. Vu le nombre et la variété des ennemis qui peuvent apparaître simultanément à l’écran, croyez-moi ce n’est pas une mince affaire. D’autant que les envahisseurs constituent la vrai réussite du jeu. Digital Kingdom s’est appliqué à donner à chacun un fonctionnement distinct et souvent inédit dans le petit monde du shoot horizontal. Pour ne pas vous gâcher la surprise, je me contenterais de citer mes deux préférés. Le premier est un petit appareil muni d’un bouclier. Sous le feu du canon, il s’arrête pour se protéger mais fait rebondir les balles sur ses petits camarades. Le deuxième, ou les deuxièmes plutôt, sont les Twin Bomb. Ces deux bombes apparaissent en bas et en haut de l’écran et s’échangent au fil de leur avancée un bouclier forçant le joueur à viser celle à découvert.Yamgun_shoot
Pour détruire tout ce beau monde, le joueur va, comme dans un Megaman, arracher progressivement aux boss tout un arsenal d’armes et d’habilités spéciales qu’il pourra activer de façon limitée. Si au début ces armements spéciaux sont plutôt standards, ils se révéleront par la suite plus inventifs avec par exemple la possibilité de regrouper les ennemis dans la zone centrale de l’écran ou de stunner une vague pour quelques secondes. On retrouve cette originalité dans le tir de base dont les munitions limitées se rechargent avec les débris des ennemis abattus. Hormis l’utilisation un peu fastidieuses du capteur de mouvements pour aspirer les débris, Digital Kingdom nous propose un terreau d’une qualité remarquable.Yamgun update

On ne retrouve malheureusement pas la même maîtrise dans la pousse, car les jardiniers ont trop hésité entre deux gameplays. Avec ses ennemis aux comportements variés, Yamgun semblait se destiner au plaisir de l’apprentissage de motifs (patterns) exigeants. Seulement voilà, Digital Kingdom a plutôt versé dans un système proche du RPG où le plaisir provient de la montée en puissance progressive. Le canon possède de nombreuses caractéristiques (cadence de tir, puissance, vitesse d’aspiration des munitions, etc…) qui pourront au moyen des débris récoltés être améliorées au fil du jeu. Malheureusement, ce type de système s’oppose à un étalonnage précis des niveaux, car le level designer ne peut savoir avec quelle puissance de feu le joueur se présentera. Il y a donc toutes les chances que ce dernier soit trop ou pas assez puissant, brisant ainsi tout le plaisir de l’apprentissage. Evidemment comme le montre Diablo, ce design ne pose aucun problème quand il est agrémenté d’aléatoire et d’un système de récompenses adapté. A contrario, il devient fort ennuyeux lorsque les niveaux sont prédéterminés. Le joueur est forcé de répéter à de nombreuses reprises les même séquences, ne sachant trop si le stage lui pose problème par manque de puissance ou de talent.Yamgun_stage
Malgré tout, il faut reconnaître à Digital Kingdom une tentative originale dans la résolution de ce problème. Afin d’éviter un farming trop écoeurant des niveaux, chaque quartier de la ville à défendre propose des stages post-boss plus difficiles permettant au joueur relever des nouveaux défis. Une excellente initiative qui se trouve malheureusement ruinée par une distribution inégale des richesses. La quantité totale de débris récoltable dans chaque niveau est très variable et non liée à la difficulté. Ainsi, il est très facile de trouver des niveaux très simples ramenant énormément d’argent, incitant le joueur à passer la majorité de son temps à les refaire en boucle au lieu de profiter des niveaux bonus. Un manque de calibrage qui se retrouve d’ailleurs aussi dans les motifs des ennemis. Si parfois leur placement exploite correctement les nombreuses dynamiques découlant de leur comportement, ils semblent malgré tout trop souvent placés au hasard. Bien sûr, au vu de la quantité gargantuesque de niveaux que le jeu propose, on comprend bien qu’il est difficile de disposer chaque vague avec attention. Mais je ne peux alors m’empêcher de constater qu’il aurait sûrement été préférable de faire un jeu de plus petite envergure mais profitant au maximum des belles mécaniques de base.

Vous aurez compris que Digital Kingdom malgré un terreau de qualité a malheureusement perdu un peu le contrôle de la pousse de son jeu. Ils n’ont de loin pas accouché d’un monstre mais juste d’une jolie petite plante biscornue. Si les mauvaises langues pourraient y voir un beau potentiel gâché, je préfère me réjouir devant le premier jeu significatif d’une équipe pleine de talent. Il ne nous reste donc plus qu’a attendre patiemment l’éclosion de leurs prochaines graines qui contribueront surement à faire briller notre jardin romand hors des frontières.