Titan Souls

Les jeux de game jam, c’est comme les chasseurs: il y a les bons et les mauvais. Les mauvais n’ont pas de succès et en restent là. Les bons ont du succès et sortent une version commerciale un ou deux ans plus tard. Voyons aujourd’hui où se positionne Titan Souls, le premier bébé d’Acid Nerve.

Pour ceux qui ne plongent pas régulièrement dans la jungle impitoyable et flamboyante des jeux de game jam, il y a un an Titan Souls était un de ces diamants bruts sortis d’un week-end de design et de codage intense. Son improbable mélange de la douceur contemplative d’un Shadow Of The Colossus avec l’exigence impitoyable d’un Dark Souls lui valut une rapide popularité. En effet, aux commandes d’un personnage doté d’une unique flèche, le joueur partait à la découverte d’une zone de jeu ouverte contenant pour seul point d’intérêt cinq boss bien retords. Toute la difficulté et le génie des confrontations reposait sur la recherche du coup parfait: les boss comme le héros n’avaient pas de point de vie. Pour une fois, le joueur se retrouvait à égalité avec les monstres qu’il affrontait. Puisqu’un coup suffisait à les abattre, leur point faible ne se dévoilait qu’à des moments extrêmement courts et précis. Pour faire grimper l’intensité d’un cran supplémentaire, chaque essai renvoyait le joueur au centre de la zone de jeu: une minute était donc nécessaire pour parcourir le chemin et affronter à nouveau le boss. Ainsi, lorsque la flèche touchait finalement le bon endroit au bon moment, la sensation était divine. Titan Souls version game jam était un petit bonbon qui se dégustait comme ses combats: en un éclair d’une incomparable saveur.

titansoulstitre

Titan Souls version commerciale, c’est exactement la même chose mais sans l’éclair: la version game jam durait une petite vingtaine de minutes, le Titan Souls d’aujourd’hui dure plusieurs heures. Acid Nerve a travaillé d’arrache pied pour fournir un contenu quantitatif irréprochable. Treize boss ont été rajoutés aux cinq boss d’origine. Chacun a bénéficié d’une extrême attention et propose des principes variés et originaux. Si l’on ajoute un moteur graphique entièrement revu, il serait très mal venu de reprocher aux développeurs un manque d’ambition tant on sent dans chaque pixel l’envie de bien faire. Seulement parfois, l’envie ne suffit pas.
Très rapidement, passés les boss originaux pour être exact, quelque chose ne fonctionne plus. L’envie de découvrir de nouveaux boss se fait moins pressante, les trajets jusqu’à leur antre se font de plus en plus pesants, l’envie de comprendre leur patterns laisse place à l’agacement de mourir trop souvent sans rien apprendre: bref, une impression tenace de s’enliser peu à peu dans quelque chose de mou s’installe. Comme un sprinter coincé dans un marathon, Titan Souls 2015 s’écroule après la première centaine de mètres. Son design originel basé sur une expérience courte n’est manifestement pas conçu pour courir longtemps.

TS_Comparison

Dans la version game jam du jeu, le contrat avec le joueur était clair: chaque point cardinal recelait un boss à vaincre. Ceci fait, l’accès au dernier boss se dévoilait et le jeu était terminé. La promesse d’un dénouement narratif à portée de main permettait de surmonter l’agacement engendré par le chemin à parcourir pour affronter les boss. Le jeu final étant beaucoup plus conséquent, la motivation narrative s’effondre et le joueur a rapidement l’impression de passer plus de temps à marcher qu’à se battre. Titan Souls version 2015 est un bonbon qui se déguste comme ses trajets: en petits morceaux écoeurants.

Titan Souls est un cas rare dans les jeux de game jam: il n’est à classer ni du côté des mauvais jeux bons à être oubliés, ni des bons propres à être transformés en jeux de grande envergure. Titan Souls est seulement un fantastique jeu de game jam qui aurait dû en rester là.