Super Time Force Ultra

Il est des jeux difficilement classifiables en apparence et d’autres qui faussement, apparaissent facilement classifiables. Oui, c’est tordu, mais vous n’avez encore rien vu. Super Time Force Ultra l’est bien plus encore, ses mécaniques bien lubrifiées sauront s’insinuer sournoisement en vous pour votre plus grand plaisir.

Le titre de CAPY vient titiller le bout de nos rétines à grand renforts d’explosions richement pixellisées et d’environnements colorés chaleureux qui dégagent une aura plutôt bon enfant. Le rythme se veut dynamique et jouissif, comme la multitude d’effets pyrotechniques qui viennent illuminer chaque recoin de l’écran tend à le suggérer. C’est juicy quoi. Au premier abord, on entrevoit donc un run and gun bien nerveux, tout ce qui a de plus commun à la grande tradition du genre. Attention cependant, car il s’agit d’un travestissement habile, sauf que celui-ci ne vous laissera pas de mauvais souvenir si vous y céder en état d’ébriété.

Certes, le jeu vous réclame de terminer chacun de ses niveaux en moins d’une minute, mais en réalité, vous y perdrez bien plus de temps. En effet, dans STFU (je suis sûr que c’est fait exprès), vous pouvez à loisir voyager dans le flux temporel afin de vous assurer la victoire. À tout moment, la pression d’une touche permet de rembobiner le temps pour revenir sur vos pas et ainsi parfaire vos mouvements ou éviter une balle ou une explosion. Ainsi, la mort n’aura aucune emprise sur vous. Mieux, les fantômes de vos actions passées restent à vos côtés, réitérant vos derniers déplacements, vous soutenant ainsi lorsque vous reprenez le cours normal du temps. Mais ce n’est pas tout, car à chaque rembobinage vous pouvez choisir d’incarner un nouveau personnage parmi une vaste panoplie de héros hétéroclites, chacun bénéficiant de capacités lui étant propre. Si bien qu’à force de revenir dans le passé, vous formez  progressivement une armada de fantômes issus vos actions précédentes, vous soutenant dans l’extermination par le feu, des vils méchants. Super Time Force Ultra est un run and gun, coopératif avec soi-même. Mais ça, ce n’est qu’au second premier abord.

Pendant les premières sessions de jeu, on s’amuse à inonder chaque recoin de l’écran de tirs et explosions diverses et à faire voler en éclats de pixels les malheureux ennemis qui ne pourront jamais venir à bout de nos avatars. Cette invincibilité devient rapidement jouissive, car elle permet de corriger vos gestes maladroits et vos manques d’attention afin de vous venger dans les secondes qui suivent des présomptueux ayant osé vous prendre en défaut. C’est donc presque naturellement que le jeu nous prend par la main, et nous invite à retravailler certaines parties du niveau pour les passer avec brio et panache. Si bien qu’on y prend goût, à cette envie de faire bien, de faire juste. Petit à petit, on rentre dans la coquille d’un speedrunner méticuleux qui tâcherait d’optimiser chacune de ses actions. C’est là que toute la subtilité du gameplay de STFU entre en jeu.

Il y a des lasers aussi, beaucoup de lasers même.

Il y a des lasers aussi, beaucoup de lasers même.

Pour terminer un niveau à 100%, il faut récolter tous les power-ups qui y sont disséminés. La tâche n’est pas aisée. Il vous faudra anticiper un bon grand nombre de vos actions afin de parvenir à tous les attraper au bon moment. À un tel point que la planification de votre parcours va rapidement vous réclamer beaucoup plus de réflexion. Il arrive de passer plus de temps à analyser et à prévoir nos anciens et nos prochains mouvements qu’à éliminer de l’ennemi. L’action se dissipe et passe ainsi au second plan, tandis que les résolutions d’énigmes s’accaparent de plus en plus l’intérêt du joueur. Super Time Force Ultra devient donc une espèce de run and gun, coopératif avec soi-même, puzzle.

C’est là une des grandes forces du titre, sous ses airs faussement bourrins et arcade, les mécaniques du jeu invitent en douceur le joueur à adopter une perspective de masturbation intellectuelle d’optimisation des actions. Et en plus, c’est fun.

Le jeu est bourré d’humour à la con. Son scénario même est une vaste blague, véritable hommage à toutes les bêtises paradoxales narratives que le thème du voyage dans le temps a souvent pour bon goût de perpétuer. Les univers sont également truffés de multiples références, lorsqu’ils n’en sont pas une eux-mêmes ; Denvers le dernier dinosaure, Mad Max, Team Fortress 2, j’en passe et des meilleurs. Les combats de boss quant à eux, sont moultemment jouissifs et permettent de se défouler sans vergogne. De très bon goût.

En terme de nawakitude, les affrontements contre les boss ne s'encombrent d'aucunes limites.

En terme de nawakitude, les affrontements contre les boss ne s’encombrent d’aucunes limites.

J’aurai très envie de trouver quelques points noirs, et de nuancer ma critique très enjouée. Mais l’envie n’y est pas. J’ai passé de très bons moments sur Super Time Force Ultra et je risque certainement d’y retourner. Car il y a effectivement beaucoup à faire, si on souhaite le parcourir jusque dans ses moindres détails. Au final, je souhaiterai saluer l’intelligence des développeurs, qui ne se sont pas cantonnés à créer un jeu autour d’une bonne idée, mais qui ont su l’exploiter jusqu’à la moelle pour donner de la profondeur à un titre qui aura définitivement du mal à rentrer dans un genre. Et ça, croyez-le ou non, c’est toujours bon signe.