Severed

J’ai toujours été convaincu que le game design, comme n’importe quelle autre discipline artistique, porte la marque de son auteur. Severed en est une très belle illustration. Forgé par les mêmes esprits que Guacamelee, il porte tous les traits de caractère de son grand frère. Les bons comme les mauvais.

Si Guacamelee se réclamait du BeatThemAllvania, Severed s’invente la catégorie InfinityBladevania. Soit des combats inspirés du célèbre jeu de Chair sur iOS et une structure inspirée des Metroidvania. Deux inspirations distinctes bienvenues pour la construction de ma critique puisque l’une s’avère aussi brillante que l’autre est ratée.severed_02

Honneur aux bonne choses, commençons par l’astucieux système de combat. Severed est un des rare jeux de la Vita à tirer vraiment parti de la fonction tactile de son écran car c’est au moyen de notre petit doigt boudiné que l’on viendra à bout des ennemis. Contrairement à Infinity Blade où la direction des coups importait peu une fois la garde de l’adversaire ouverte, ici un certains nombre de contraintes veillent à ce que chaque coup soit ajusté. Premièrement, chaque ennemi suit un pattern précis. Certains bloquent les attaques venant de la droite, puis de la gauche. D’autres ont de petites parties de leur corps en alternance vulnérables. Ou encore certains ont un point faible se déplaçant en permanence dans l’espace. Oui mais alors papy UCDP, qu’est-ce qui m’empêche de bourrer comme un porcinet tout l’écran avec mon gros doigt? Eh bien la deuxième contrainte, mon enfant: la concentration. A chaque coup au but successif la barre ad hoc se remplit. Une fois la concentration à son niveau maximum, le personnage obtient un bonus de dégâts mais surtout peut fataliser ses ennemis en segmentant leurs membres. Lorsque l’on sait que ces derniers sont indispensables pour monter en niveau, l’éventuelle envie de bourrer dans tous les sens passe bien vite. Si l’on ajoute à cela un système de contres simple et efficace et une lisibilité optimum même lorsque l’on affronte 4 adversaires simultanément, on obtient un système de combat si brillant que l’on se demande comment il n’a pas vu le jour avant sur les smartphones.severed_01

Malheureusement, comme le dit le proverbe: « toutes les bonnes choses ont une fin ». A l’image de son prédécesseur Severed est handicapé par un système d’exploration de l’univers de jeu oscillant entre moyen et mauvais. Comme pour Guacamelee, Drinkbox Studio a fait le choix d’un monde ouvert dans lequel le joueur sera amené à explorer plusieurs fois les même décors. Et comme comme pour Guacamelee, leurs mécaniques sont peu excitantes. Si l’on étudie les meilleurs jeux reposant sur une mécanique d’exploration où les amélioration du personnages permettent de découvrir de nouveaux endroits (Metroid, Castlevania ou plus récemment Axiome Verge), on se rend compte que la progression y est organique. C’est à dire que lors de notre premier passage, il est souvent impossible de deviner s’il y a une voie cachée ou du moins anticiper la manière d’y accéder. Ainsi, lorsque le joueur découvre une nouvelle zone en combinant habilement ses nouveaux pouvoirs il a la sensation d’achever quelque chose de peu commun, de « cracker » le jeu. A contrario, dans Severed les passages alternatifs sont indiqués si clairement (des logos indiquent quel pouvoir appliquer à quel endroit) que la sensation est inverse: on se sent bloqué superficiellement dans notre progression. Comme si les développeurs nous disaient: « hey! Je sais que tu sais, mais tu vas attendre parce que ça nous fait marrer ». La sensation est d’autant plus désagréable qu’elle est accompagnée d’un level design de facture assez moyenne où les énigmes de progression sont aussi faciles à comprendre que fastidieuses à résoudre. Du coup, je dois avouer que lors du dernier quart le jeu m’est tombé des mains, tant la redondance des situations et des passages en temps limité a rongé le plaisir procuré par les combats et la superbe direction artistique.

Le problème quand on finit par les éléments négatifs, c’est que l’on donne au lecteur la sensation que le jeu n’est pas bon. Ce n’est évidemment pas le cas ici. Rien que pour sa mécanique de combat et son univers visuel, le jeu vaut largement les 15 francs que vous investirez dedans. On regrette seulement que Drinkbox Studio s’obstine pour des raisons mystérieuses à inclure dans ses jeux des mécaniques de Metroidvania mal maîtrisées. Un tic de game design qui leur vaut malheureusement de faire de bons jeux à défaut d’en faire des grands.