Overwatch: la narration

Si j’étais un surhomme, je pourrais aller dans le futur voir la gueule d’Overwatch dans 6 mois et revenir vous en faire la critique pour sa semaine de sortie. Malheureusement, mon super pouvoir se cantonne à être très désagréable avec les jeux que je n’aime pas. Du coup en cette semaine de sortie du dernier né de Blizzard on se contentera d’analyser la façon dont il amène sa narration au joueur.

Pendant longtemps, jeu de tir multijoueurs était égal à narration absente. Pourtant ces dernières années on a pu observer quelques tentatives intéressantes de raconter des choses dans cet univers hostile à toute structure narrative. De Brink à Battleborn en passant par Titanfall, le graal semblait se trouver dans une mise en scène des terrains de jeu. Le tutoriel se posait souvent comme introduction et ensuite l’enchaînement des maps dans un certain ordre permettait de raconter vaguement une histoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le procédé n’a pas fait l’unanimité. Plus personne ne se souvient de ce que racontait Brink ou Titanfall et personne ne joue à Battleborn. Comment expliquer alors que le net fourmille d’articles consacrés aux personnages d’Overwatch et à son histoire?

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Au premier abord, Overwatch ne raconte rien. Au sein du jeu rien ne laisse transparaître une quelconque cohérence narrative: pas d’introduction, pas d’historique des personnages, pas de mise en scène dans les niveaux. On est manifestement là pour jouer et rien d’autre. Blizzard a choisi de véhiculer son histoire par un moyen beaucoup plus astucieux et incontournable: la promotion. L’entier de sa campagne publicitaire s’attache à donner une cohérence et une personnalité à l’univers. De l’annonce à la sortie du jeu, la tempête marketing n’a eu de cesse de nous bombarder de petits morceaux narratifs. Que ce soit via le site officiel, les nombreux court-métrages ou les BD online, il était impossible de ne pas saisir ne serait-ce qu’un petit morceau du monde d’Overwatch.

La grande réussite de l’opération réside autant dans la qualité de ces divers agents narratifs que dans la part de mystère qui entoure l’histoire. On ne trouve aucun récapitulatif complet des événements qui ont vu naître la situation actuelle d’Overwatch. C’est au joueur de tracer des liens entre les différents matériaux mis à sa disposition. On découvre par exemple en croisant le premier trailer et le premier court métrage qu’il existe deux clans formés par les anciens d’Overwatch et que Winston est à la tête de l’un d’entre eux. Le deuxième trailer nous apprend qu’un des clans est contre l’union des hommes et des machines. Et ainsi de suite avec la totalité des court métrages et des BD. Au fil de cette campagne marketing, intrigué par tous ces morceaux disparates qui ne demandent qu’à être réunis en un tout cohérent, le spectateur se retrouve progressivement transformé malgré lui en joueur.

Cette méthode narrative est d’autant plus brillante qu’elle ne perd jamais de vue la finalité: le jeu. Contrairement à un trailer cinématique classique ou il s’agit uniquement de montrer l’atmosphère du jeu, les court métrage d’Overwatch véhicule les éléments de gameplay. Les personnages y usent de leurs réelles capacités et les lieux dans lesquels se déroulent les scénarios ont la configuration exacte de ceux où se déroulent les affrontements dans le jeu. Ainsi non seulement le spectateur se crée un imaginaire fort autour des personnages du jeu mais il en enregistre déjà les composantes essentielles du gameplay.

Blizzard nous montre avec Overwatch qu’avec un peu de jugeote et de talent il est tout à fait possible de raconter des histoires dans un jeu centré sur le gameplay. La seule exigence pour le faire correctement est de ne pas imposer la narration au gameplay mais de construire celle-ci sur les éléments de jeu. Finalement, mon seul regret face à ce tableau très enthousiasmant est le peu d’ambition des choses racontées. Comme dans les autres productions Blizzard, l’univers se contente d’enfoncer des portes ouvertes pour ne pas perdre Monsieur Tout-le Monde. Une habitude dont je souhaiterais les voir se séparer pour nous offrir enfin des histoires à la hauteur de leurs gameplay.