Old Man’s Journey

Ce n’est un secret pour personne: je suis fâché avec les jeux d’aventure narratifs (ou Point & Click pour les vieux). Depuis toujours, je les considère comme des créatures minables faisant une utilisation bien pauvre du médium ludique sous prétexte d’ambition narrative supérieure. Heureusement, Old Man’s Journey est venu éclairer ce triste constat de son génie et sa simplicité désarmante.

L’écueil classique du genre est l’absence totale d’une mécanique centrale de puzzle. Un non-choix qui s’explique sûrement par la prédominance de l’aspect narratif dans la conception du jeu. Une excuse qui n’en est pas moins absurde car à l’opposé, personne ne s’autoriserait la création d’une histoire sans en définir clairement le sujet central: la construction d’un récit comme d’un jeu passe par une idée originelle qui se développe au fil de la création. Alors lorsqu’on développe une oeuvre qui mélange narratif et ludique, il est d’autant plus important d’être au clair sur les coeurs qui animent l’un et l’autre, voir si possible se payer le luxe que les deux ne fassent qu’un. Comme vous êtes malin, vous avez déjà compris que c’est exactement ce que nous offre Old Man’s Journey.

Le fond de commerce d’Old Man’s Journey, c’est la géométrie variable des dénivelés. Le joueur doit ajuster la hauteur du terrain pour permettre au héros de suivre ses pérégrinations vers une destination inconnue. Si au début seul l’ajustement de la hauteur compte, par la suite le principe évolue pour intégrer de nouvelles notions comme la vitesse, des obstacles ou des éléments dissimulés. La courbe de difficulté est très finement réglée pour toujours amener une nouvelle problématique sans jamais se mettre en travers de la progression. Là où un Monkey Island jette arbitrairement des puzzles sans lien logique entre eux, le dernier né de Broken Rules explore de bout en bout un sytème de puzzle cohérent.

Cette bonne volonté mécanique est gracieusement prolongée dans l’aspect narratif. Comme son nom l’indique, le jeu nous conte le voyage d’un vieux Monsieur. Grâce à sa mécanique centrale laissant le joueur agir sur le déplacement de l’avatar, Old Man’s Journey met rapidement en place un cercle vertueux où le joueur est l’artisan du coeur narratif de l’oeuvre. Avec nos petits doigts, on déplace donc littéralement des montagnes pour permettre à notre chétif héros de toucher au but mystérieux de son voyage. Une symbiose entre narratif et ludique qui touche au sublime lorsque l’on s’aperçoit que l’élégance de la mécanique est en symbiose totale avec celle du récit: sans un mot, le studio viennois nous conte une histoire certes courte, mais terriblement touchante par sa simplicité.

Old Man’s Journey est une nouvelle preuve que le jeu d’aventure narratif a un avenir radieux devant lui. Il suffit simplement de laisser narration et ludisme s’embrasser à pleine bouche au lieu de traiter le deuxième comme un faire-valoir du premier. Une leçon qui je l’espère fera long feu et inspirera peut-être Schaffer et ses acolytes, plus préoccupés à pondre des Kickstarters au kilomètre qu’à faire avancer un genre qu’ils ont inventé.