Vous connaissez sûrement la douce sensation d’un souvenir agréable qui remonte: le parfum d’un amour de jeunesse flottant dans la rue, un bonbon au goût de ceux piqués dans le dos de maman ou un emballage de yoghurt inchangé depuis vingt ans. La série Heroes of Might & Magic, c’est exactement ça: une douce chaleur ludique réminiscente de mes premières heures de découvertes du PC.
A la vue du « VII » derrière le titre du jeu et malgré mon enthousiasme, je me prends un certain nombre d’années dans les dents. Le temps où j’engloutissais mes vacances d’été dans Heroes of Might & Magic II me semble bien loin. Je me lance donc dans le premier scénario mi-heureux mi-vieux et s’il me restait encore une moitié, mi-horrifié. Le hub central est une salle de réunion médiévale où des modèles 3D fixes et hideux se racontent leurs aventures. Pas d’animation, pas de synchronisation labiale, pas le moindre petit truc animé ne vient briser ce cauchemar en dehors des mouvements de caméra. Les choses ne s’améliorent pas lorsque je choisis de lancer la campagne Necropolis aguiché par son héroïne émo-goth légèrement moins repoussante que les autres. Je me retrouve projeté à la protection d’un château sur le point de tomber. La quasi-totalité des combats que je dispute se trouvent être soit perdus d’avance (la défense des murailles) soit gagnés d’avance (mon héros). Vingt minutes de jeu et me voilà déjà plongé dans un ennui mortel. Qu’est-il advenu de mes souvenirs d’enfance?
La douce chaleur de mes souvenirs ne refera surface que plusieurs heures plus tard, après une exploration longue et douloureuse d’un mode histoire dont les enjeux m’ont laissé comme leur protagoniste, de marbre. Pour renouer avec le plaisir, il m’aura fallu me rappeler tardivement qu’un Heroes se joue en mode escarmouche ou ne se joue pas. Me voilà à nouveau en train de balader mon héros et son armée au gré de mes envies sur une immense carte dont le seul but est de faire ployer mes adversaires sous ma puissance sans limites. Construction de ma ville, flux de nouvelles recrues chaque semaine, collecte de ressources, génocide de monstres, conquête de villes adverses, ma petite course à la puissance se remet en place en un rien de temps. Seulement, là où je voyais plus jeune la fantastique histoire d’un héros portant son petit royaume vers la gloire, je vois aujourd’hui un jeu aux mécaniques quelque peu bancales. Les conquêtes suivent un ordre assez précis suggéré par la puissance des monstres neutres: il suffit donc d’être un minimum attentif pour grandir sans heurt majeur. Les combats sont dans 90% des cas déjà décidés avant même le premier coup d’épée. Il s’agit en réalité seulement d’optimiser les pertes pour ne pas ralentir la croissance de l’armée. Quant à l’adversaire, pour le vaincre il faut principalement optimiser (encore) son temps pour atteindre plus rapidement que lui une masse critique de combattants.
Indéniablement, lorsque l’on a goûté à la finesse mécanique des jeux d’aujourd’hui, ces rouages de gameplay un peu simples déçoivent. Pourtant, quand je vois l’exploitation mercantile écoeurante dans laquelle ont plongé les jeux de quête à la puissance ces dernières années, je ne peux m’empêcher de considérer ce retour de Heroes of Might & Magic avec bienveillance. Si les plus jeunes y verront sûrement une star déchue radotant de vieilles rengaines, j’y vois un doux souvenir venu me rappeler que parfois ne pas réfléchir et vouloir juste être le plus fort ça a du bon aussi.