SteamWorld Dig 2

Avec la sortie de Metroid: Samus Returns, le petit monde du jeu vidéo s’est remis en ébullition autour du terme barbare : « metroidvania ». Alors que les discussions allaient bon train pour savoir comment classifier le dernier-né de cette grande famille bâtarde, je me posais moi aussi des questions sur ce genre bien particulier. Je ne sais pas vous, mais à chaque fois que je m’essaye à un de ces jeux, inexorablement, à un moment ou à un autre je me retrouve dans une phase de backtracking : le fait de revenir sur ses pas dans une zone visitée au préalable. Que ce soit pour une quête annexe ou par la force du scénario, ces moments de quasi non-jeu ont tendance à me rappeler à ma condition de joueur, prolétaire de la manette, effectuant une tâche rébarbative sans enthousiasme, simplement « parce qu’il le faut bien ». Dans un jeu en 3 dimensions, l’espace offre au joueur le luxe de se mouvoir comme bon lui semble. Cette seule liberté permet d’alléger le processus en laissant une marge de manœuvre en ce qui concerne l’itinéraire à suivre et la façon de se déplacer.

En 2D, tout se gâte. Si les jeux de plateforme de l’époque avaient bien saisi l’avantage de toujours faire avancer le joueur dans une seule direction, l’avènement de titres plus ambitieux, tel Wonder Boy, ont poussé à d’avantage d’exploration et à son lot de backtracking. On aura donc invariablement le droit à une redite complète d’une partie ou de l’entièreté d’une section déjà connue, sans vraie possibilité de modifier son approche, faisant éclater au grand jour la linéarité de notre route. Le mystérieux chemin qui traçait notre aventure devenant alors aussi banal que celui que vous prenez pour aller au boulot tous les matins sans y prêter attention. Retranscrit dans un épisode de la série des Metroid, il vous suffit de repenser à ce moment de grâce où, après une périlleuse plongée dans l’inconnu et probablement un combat de boss gagné à l’arrachée, vous recevez enfin l’amélioration qui vous permettra d’ouvrir la porte que vous aviez repérée 1 heure auparavant. Mais alors que l’adrénaline redescend vous pensez à toutes ces pièces dans lesquelles les ennemis seront réapparus par la magie d’un changement d’écran. Armé de la seule curiosité de savoir ce qui se cache derrière cette fichue porte, vous allez péniblement retourner sur vos pas. C’est exactement à ce moment-là que SteamWorld Dig 2 se montre plus malin que son modèle.

Chez le dernier-né de Image and Form International AB, tout commence par un coup de pioche et tout fini par un coup de pioche. Nous nous retrouvons donc rapidement dans une mine bouchée par des blocs, qu’il s’agira de détruire un à un pour se frayer un chemin, toujours vers le bas, à la recherche de minerais jouant le rôle de monnaie d’échange pour des améliorations diverses. Les débuts sont laborieux. La terre qui bloque le chemin met du temps à se libérer et notre parcours dans la mine est sérieusement limité par notre réserve d’huile à brûler. Passé une certaine limite, c’est seul et dans le noir quasi complet que nous tentons de descendre encore un peu plus pour récolter des ressources. Les moins aventureux seront déjà remontés à la surface vendre leur butin et remplir leur lampe. Pendant environ 1 heure, on avance donc à tâtons en prenant soin de créer un chemin nous permettant de revenir au hub central aisément, tout en optimisant la recherche de minerais et l’évitement des pièges. De quoi se donner des airs d’orpailleur grattant méticuleusement, mètre par mètre, les dédales d’un souterrain inhospitalier. Vient alors enfin le moment de recevoir cette fameuse amélioration. Un grappin. « Quelle étrange idée » me suis-je dit. Dans un jeu aussi confiné l’utilisation d’un tel objet paraissait laborieuse. Pourtant après quelques instants on se rend compte qu’il nous facilite bien la vie quand il s’agit d’accrocher un bloc en hauteur qui nous était devenu inaccessible de par la façon dont nous avions creusé la galerie. STOP. Relisons, si vous le voulez bien, cette dernière phrase : « devenue inaccessible de par la  façon dont NOUS avions creusé la galerie ». Pas « devenue inaccessible de par le pont au milieu du chemin créé par les concepteurs.» Au lieu de simplement représenter un laisser-passer pour une nouvelle zone, le grappin est une invitation à changer la manière dont on se meut dans notre propre dédale. A vous de saisir l’opportunité ou non.

Bien que l’on retrouve encore certaine zone tampon forçant le joueur à rebrousser chemin s’il n’a pas obtenu un certain équipement, SteamWorld Dig 2 génère chaque heure environ une petite révolution de son gameplay. Descendre de longs tunnels creusés en ligne droite était compliqué car le personnage prend vite des dégâts de chute ? Voilà des chaussures à réacteurs qui arrêteront votre chute sur la simple pression d’une touche. Remonter est un brin pénible ? Pourquoi pas pouvoir briser les blocs d’un coup tête par le bas que n’aurait pas renié ce cher Mario s’il n’était pas trop occupé à posséder des dinosaures à coup de casquette extra-terrestre. Et pourquoi pas combiner ça avec un jetpack histoire de parcourir comme une fusée, des couloirs qui nous avaient pris une petite éternité lors de notre premier passage ? Oubliés les débuts en forme de cauchemar pour claustrophobes, vous voilà désormais à virevolter le sourire au bout des lèvres dans des cavernes tel un Tarzan adopté par des chauve-souris. En lieu et place du sentiment désagréable de devoir ressortir son bleu de travail, le backtracking nous permet alors de ressentir le chemin parcouru et les progrès accomplis au cours de l’aventure.

En ayant bien réfléchi à la problématique du déplacement dans un environnement en 2D, les développeurs ont apporté du dynamisme à leur jeu en réutilisant à loisir les 4 zones qui composent la carte, tout en renouvelant sans cesse une part importante du gameplay et en soulignant subtilement au joueur sa progression simultanée dans l’histoire et dans sa maîtrise des mécaniques. Autrement dit ça fait beaucoup de choses géniales dans un jeu qui vaudra sûrement le même prix aux prochaines soldes steams qu’un « pain au chocolat + espresso » à la Coop Pronto de votre quartier. A moins que vous ne l’achetiez sur Switch, et là on parle d’un « pain au chocolat + espresso » à l’Aéroport de Genève.