Persona Q, c’est Persona qui s’acoquine avec Etrian Odyssey. C’est également deux cultures très différentes du jeu de rôle qui se disent oui pour le meilleur et pour le pire. Malheureusement comme chacun sait, dans le métissage il y a des couples qui se renforcent et d’autres qui se détruisent. Tuons de suite le suspense: Persona Q fait tristement partie de la deuxième catégorie.
Pourtant l’affaire n’avait pas trop mal commencé. Etant un grand fan de Persona 4 et un amateur du Etrian Odyssey arborant le même chiffre, je partais plutôt rempli d’aprioris positifs. On rappelle pour ceux qui auraient loupé le coche que Persona Q mélange le cadre narratif ainsi que le système de combat de Persona 4 à la mécanique dungeon RPG d’Etrian Odyssey. On explore donc des labyrinthes dont on doit cartographier chaque détail méticuleusement sur l’écran inférieur de la 3DS avec une équipe composée des héros de Persona 4 (ceux de Persona 3 sont également disponibles mais n’ayant pas pratiqué cet épisode, je me suis permis de les snober gracieusement). On y retrouve tout le folklore de la série: ses couleurs chatoyantes, sa J-pop enjouée, ses Personas fusionables et ses ennemis sensibles aux éléments. Mes premières heures de jeu ont donc été plutôt extatiques. Je retrouvais un univers qui m’était cher, accompagné d’un gameplay qui avait déjà fait ses preuves sur moi. Ce jeu était voué à me combler. Malheureusement, comme un bad trip causé par quelque mélange illicite, l’expérience a tourné court.
La première chose qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est lorsque j’ai éprouvé un certain soulagement à enclencher l’option permettant de cartographier le donjon automatiquement. J’avais pourtant passé des dizaines d’heures à le faire sans bouder mon plaisir dans Etrian Odyssey 4, mais ici le premier étage du premier donjon avait suffit à m’agacer. Ensuite, ce sont les combats qui m’ont rapidement irrité. Là aussi, j’avais pourtant passé plus d’une centaine d’heures à décortiquer ce système dans Persona 4 sans ressentir la moindre lassitude. Finalement, lorsque je me suis retrouvé à triturer sans conviction les fusions de Personas qui m’avaient tant enchanté il y a un an, j’ai bien été obligé d’admettre que contre toutes mes attentes ce Persona Q ne me plaisait pas.
Après réflexion, il me parait évident qu’Atlus est tombé dans un piège tristement commun: le non-respect des cultures.
Etrian Odyssey est une série de dungeon RPG basé sur l’exploration et le combat. Ces confrontations sont articulées autour d’un système de placement sur deux lignes, la position des héros influant sur le dégât occasionné et sur la réussite des compétences. Une simplicité bienvenue permet de ne pas entraver l’exploration avec des affrontements à rallonge. En outre, dans l’optique de ne pas détourner le joueur des mécaniques de jeu, le scénario et les personnages y sont réduits à leur plus simple expression: des objectifs assignés en quelques phrases courtes et des héros à la personnalité laissée en grande partie aux bons soins de l’imagination du joueur. Etrian Odyssey repose donc sur un fragile équilibre entre la quasi inexistence de sa narration, la simplicité de son système de combat et le plaisir de l’exploration.
Persona repose à l’inverse sur une forte composante narrative. Si l’on ne va pas exposer à nouveau les détails touffus de son fonctionnement (nous lui avions dédié un podcast il y a un peu plus d’un an), il s’agit juste de se rappeler que tout le sel de son système de combat et d’évolution des personnages découle des choix faits lors des parties scénarisées. Les mécaniques complexes de Persona nécessitent donc un cadre narratif conséquent pour briller.
Exposé ainsi, on comprend rapidement que l’impératif de simplicité d’Etrian Odyssey se conjuge très mal avec la complexité inhérente à Persona. A l’inverse, les besoins narratifs de Persona se retrouvent bridés par les systèmes austères de Etrian Odyssey. On saisit alors mieux pourquoi ce qui fonctionnait à merveille quand ces jeux étaient séparés tombe à plat une fois réunis. L’attention élevée que demandent alternativement les combats de Persona et la cartographie des donjons rend les deux systèmes extrêmement fastidieux. Les combats et fusions de Persona perdent toute saveur car ils sont dépouillés de leur précieuses justifications narratives. Une narration par ailleurs totalement inadaptée car insuffisante pour les besoins de Persona et totalement excessive pour ceux d’Etrian Odyssey. Bref, vous aurez compris que le précieux équilibre qui faisait la qualité de ces deux RPG se trouve ici rompu par une profonde incompatibilité structurelle. Au final, ce Persona Q me rappelle ces couples en perpétuelle dispute car leur différents reposent sur des points non négociables de leur personnalité.
Messieurs de chez Atlus, je pense sincèrement que votre production dépasse le plus souvent de trois têtes celle de vos concurrents, mais s’il vous plaît essayez à l’avenir de vous rappeler que malgré des qualités individuelles exceptionnelles, un et un peuvent aussi faire zéro.