Le jeu vidéo en Suisse – Swiss E-Sports Federation & Wesports

Quel est le rapport entre l’Association Suisse de E-Sport, les LAN Wesports et la PolyLAN 23? Un romand qui travaille depuis de nombreuses années à rendre le esports de notre pays plus beau et plus fort. Peu connaisseurs de cet univers, nous avons pris notre crayon à deux mains et sommes allé à sa rencontre, prendre le pouls du sport électronique Suisse.

Pour commencer, raconte-nous qui tu es et ce que tu fais?

Je m’appelle Rowien Bolkensteyn, j’ai 24 ans et je suis informaticien. Je fais partie de 3 associations: Wgames qui organise deux LAN par année sous le nom Wesports, Barcraft Switzerland et la SESF (Swiss E-Sports Federation) où l’on essaie de fédérer les joueurs et réglementer les tournois.

Qu’est-ce qui t’a amené à l’Esport?

J’ai connu l’esport quand j’ai commencé le jeu vidéo. Mon frère m’a initié à Counterstrike (CS) à 12 ans. De fil en aiguille, j’ai rejoint une équipe et j’ai commencé à participer à des LAN Suisses. Mais petit à petit, les LAN ont perdu de leur charme. Ca intéressait de moins en moins de monde. Ensuite, il y a eu la sortie de World Of Warcraft (WOW) et tout le monde s’y est mis. Du coup, il n’y avait plus trop de raisons d’aller en LAN. Quand j’ai voulu reprendre CS après ma période de WOW, je me suis rendu compte qu’il n’y avait plus de LAN. Je trouvais dommage qu’on ait perdu l’ambiance des LAN compétitives. Il y avait la PolyLAN (ndr: La LAN de l’EPFL) mais c’était différent. Il n’y avait pas ou peu de tournois orientés esport. C’était beaucoup plus axé sur le fun.

Comme j’ai l’esprit entrepreneurial, j’ai décidé de créer mon propre événement. Ca fait plus de quinze ans que je lance des projets, avec des dizaines d’échecs à la clé. Wesports c’est peut-être le premier qui fonctionne. C’ est une expérience très enrichissante.

Venons-en à Wesports. Est-ce que tu peux me raconter les origines de l’organisation?

Wesport a été créé sous le nom Winry en 2008. J’étais encore à l’ETML (Ecole Technique des Métiers de Lausanne). On voulait faire quelque chose de nos connaissances informatiques. L’idée d’une LAN est venue parce que c’est à mi-chemin entre l’informatique et le gaming, notre passion. De fil en aiguille, on a pondu notre première LAN Winry en 2009.

Par la suite, on a décidé de changer le nom de l’association en Wgames et de faire nos événements sous le nom Wesports. Avoir un nom d’association plus général nous laisse la possibilité de faire autre chose avec l’association par la suite. Par exemple, faire un tournoi de Tetris complètement amateur ou d’autres genres d’événements.

logo wesports

Quand on se lance dans ce genre de projets, je suppose que ce n’est pas tous les jours facile. Est-ce que vous avez rencontré des problèmes majeurs? Particulièrement d’un point de vue des administrations publiques, avez-vous rencontré des résistances?

Au départ, on a eu la chance d’être à Bussigny. Je faisais partie du conseil des jeunes déjà bien avant d’y faire des LAN. Du coup, j’avais déjà un pied dans la commune. Ca facilitait un peu les choses. Mais notre plus grande chance, c’est que les fils de l’actuelle syndic y organisaient déjà des LAN avant nous. Donc la commune connaissait déjà ce genre d’événement.

Après, avec les communes ne connaissant pas le gaming, c’est vraiment difficile. C’est un monde qu’ils ne comprennent pas. En même temps, je peux comprendre: ils ne sont pas nés dedans. Le résultat malgré tout, c’est qu’ils ont de la peine à accepter ce genre de manifestations. Par exemple, on est actuellement en train d’organiser quelque chose sur Morges et il est très difficile d’avoir les autorisations.

Concrètement, qu’est-ce qui est problématique pour eux?

Les règlements des salles communales. Par exemple, si on loue une salle pour le week-end, la salle doit quand même être libre entre 3h et 7h du matin tous les jours. Difficile de leur faire comprendre que les joueurs dorment sur l’événement, qu’il n’y a pas de chambres d’hôtel, ou que les joueurs ne rentrent pas chez eux le soir. Du coup, il faut tenter de déjouer les règlements, faire un peu de politique, pour pouvoir passer outre.

Il y a d’autres contraintes également: on peut avoir un restaurant affilié à la salle. Du coup, toute la restauration doit passer par eux. Seulement, il est parfois difficile dans le monde du gaming de sortir quatre francs pour un coca.

De ne pas pouvoir mettre en place une buvette, cela vous enlève-t-il une source de revenu?

Pas tellement. La restauration, c’est plus un service qu’on essaie de proposer aux joueurs. On ne fait pas beaucoup de chiffre dessus. On préfère s’en passer quand c’est possible. Ça nous fait moins de boulot. Avoir deux personnes en permanence pour servir les gens, c’est très contraignant. On le fait vraiment pour proposer aux joueurs des boissons et de la nourriture à des prix accessibles.

Obtenez-vous parfois des subventions des communes?

On ne touche pas d’argent directement mais ils nous aident sur la technique. La gestion des panneaux électriques par exemple. Ils nous font parfois des réductions sur le prix de salle aussi, mais jamais de subventions directes.

D’un point de vue plus esportif, le choix des jeux est-il déterminant dans le succès d’une LAN?

Non, pas radicalement. Du moment qu’on a un public, les gens viennent en principe. On n’a jamais mis un jeu qui nous rebutait totalement. Par contre, on n’oublie pas non plus qu’on est là dans le but de développer l’esport. Même si je ne suis personnellement pas fan de League of Legend (LOL), il est présent à nos LAN. Il ne faut pas faire des LAN uniquement pour un jeu qui nous plait parce que le jour où le jeu ne marche plus, la motivation risque de baisser. On essaie de trouver un équilibre. Par exemple, à la dernière Wesports on a fait un tournoi DOTA 2. Ce n’est pas encore très populaire en Suisse, mais on souhaitait l’amener au public local. On remet ça avec la PolyLAN 23 (ndr: voir plus bas), en espérant le voir décoller.


Pour vous, est-il important d’attirer des joueurs professionnels? Si oui, comment y parvenez-vous?

Sur ce point, c’est compliqué. Nous sommes entre une LAN compétitive et une LAN « familiale ». Si les gens reviennent à la Wesports, c’est pour l’aspect compétitif, mais également pour la bonne ambiance. Donc nous recherchons des bons joueurs, mais sans chercher à attirer le top tiers.

Par exemple, en Suisse nous avons Stardust et Jjakji que l’on pourrait imaginer faire venir sur Starcraft 2. Seulement, pour les attirer il faudrait préparer tout un ensemble de choses: un stream de meilleure qualité, un endroit pour que les spectateurs suivent les matchs et augmenter l’ampleur de l’événement. L’investissement serait trop élevé par rapport à ce qu’il pourrait nous apporter à l’heure actuelle.

Avant de passer au niveau national, que penses-tu de la scène esport romande aujourd’hui?

Difficile à dire. Pour commencer, League of Legends a beaucoup fait pour le milieu de l’esport romand ces dernières années. Comme dans les hautes herbes de Pokemon, on a vu apparaitre plein de nouveaux organisateurs sauvages (rires). Hop! Ils apparaissent avec l’envie de lancer leur organisation esport. C’est une excellente chose, mais disons qu’il faut toujours avoir un peu de recul par rapport à ces motivations soudaines. Il faut voir s’ils sont fiables, s’ils seront toujours là dans 5 ans ou même déjà dans une année. Garder sa motivation sur la longueur, c’est le plus difficile.

Il y a quand même quelques projets qui ont un certain potentiel, comme Romandy Gaming créé par un Fribourgeois qui démarre bien. J’ai un ami également qui veut démarrer un site communautaire. On peut donc dire que cette année 2014 est prometteuse en tous les cas. On manque peut-être juste un peu d’organisation, tant d’un point de vue local que national.

Justement, merci pour cette belle transition. Parlons un peu de la SESF. Explique-nous pour commencer sa création et ses objectifs.

La SESF a été créée par deux Suisses Allemands, Dario et Mario, il y a 7 ans environ. Ils ont rejoint en 2008 la Fédération Internationale d’Esport (IESF). Ils se sont principalement occupés des qualifications suisses pour les grands événements internationaux comme les World Cyber Games (WCG) en Corée et la coupe du monde de l’IESF. A cette époque, il n’y avait que des Suisses Allemands dans l’organisation. Le site était donc uniquement en allemand.

En 2013, Dario et Mario ont eu envie de passer le flambeau. On a donc repris l’organisation avec Vinzenz Koegler, un Zurichois également fondateur de Barcraft Switzerland.

Maintenant que vous êtes à la tête de cette organisation, quels sont vos objectifs?

L’année dernière, on a refait le site, qui est aujourd’hui en anglais. On traduit en allemand et en français le maximum d’articles, parfois avec un peu de délai.

Cette année-là, on a également organisé les qualifications suisses de l’IESF World Championship 2013. Une petite équipe de Suisse a pu faire un voyage pour participer aux finales en Roumanie.

Actuellement, on est en pleine préparation de la ligue suisse: l’Esport Masters. On va regrouper toutes les LAN de Suisse intéressées et capables d’en faire partie. Chaque LAN pourra distribuer des points en fonction du classement. A la fin de la saison, on organisera une finale offline où sera décerné le titre de champion Suisse.

Pour finir, on va organiser prochainement une table ronde de l’esport où seront invités les principaux acteurs de la scène esportive Suisse.

IESF Swiss Team

Avez-vous des soutiens officiels de la Confédération?

Pour le moment, on se débrouille un peu. On essaie de se faire reconnaitre par les différents comités. Particulièrement par le Comité National Olympique, car c’est un devoir que l’on a auprès de la Fédération Internationale (IESF). Ils en ont besoin car ils essaient de rejoindre SportAccord, la grande entité qui réunit tous les sports.

Est-ce qu’il y a des pays où la fédération d’esport est déjà affiliée à leur Comité National Olympique?

Oui, il y a déjà des pays où c’est le cas. Il y a des pays, comme le Vietnam, où l’esport est subventionné par l’Etat comme n’importe quel autre sport. Après, y a certains endroits, notamment l’Autriche, où c’est lié à la catégorie jeunesse et d’autres où c’est vraiment relié au sport.

Revenons à la Confédération. On a compris que vous n’avez pour l’instant pas de lien avec un organisme étatique. Quelle en est la raison?

Principalement parce qu’on a pas encore été chercher de l’aide. On préfère créer du contenu pour les joueurs avant de chercher de l’aide. Quand on aura besoin de fonds pour la ligue, on se tournera à ce moment-là vers des fonds privés ou l’Etat.

Terminons avec l’actualité Wesports du moment: votre participation à la prochaine PolyLAN. Union qui engendrera la plus grande LAN de Suisse dans le flambant neuf Swiss Convention Center, sur le campus de l’EPFL. D’où est venu l’idée d’unir vos forces?

C’est le président de PolyLAN qui m’a contacté il y a une année et demi. Il voulait marquer un gros coup pour la PolyLAN 23 et m’a proposé que l’on se joigne à eux pour faire un énorme événement. On était évidemment partant. Faire un grand événement esport, que ce soit sous le nom de Wesports ou PolyLAN, est une bonne chose. L’important, c’est de faire plaisir aux joueurs.

Comment se partagent les taches entre vos deux organisations?

C’est organisé comme une PolyLAN ordinaire avec un événement de esport greffé dessus. Tout l’aspect esport, c’est Wesports qui s’en occupe: organisation des tournois, animer les différents streamings et faire venir des joueurs en plus.

Est-ce que cet événement supplémentaire va réduire le nombre de vos LAN Wesports de 2014?

Difficile à dire pour le moment. On a l’envie d’organiser une petite LAN estivale. On s’est dit que les gens entre deux festivals auront envie d’une petite pause. De faire une petite LAN. On reverrait un peu notre concept pour que ce soit plus estival. Faire des grillades, par exemple. Faut voir si ça peut se faire, si l’idée peut plaire. Mais ce qui est sûr c’est qu’il y aura en tous cas une LAN Wesports en automne et qu’on n’aura pas le temps d’en faire une au printemps.

Le partenariat avec PolyLAN a-t’il vocation à se reproduire ou c’est un événement unique?

Pour l’instant, c’est un one-shot. Bien sûr, on en rediscutera après l’événement. Je sais qu’ils ont eu beaucoup de problèmes dans l’organisation de cet événement, d’où l’annonce un peu tardive (ndr: deux mois avant).

Question bonus: ton premier et ton dernier jeu marquant?

Le premier: Commander Keen.

Donc ton premier jeu marquant n’est pas un jeu multi-joueurs?

Quand j’ai commencé à jouer, il n’y avait pas encore de jeu multi-joueurs comme on les connait aujourd’hui. Et surtout, c’est un des premiers jeux que j’ai eu. J’avais quatre ans. Il m’a marqué par sa difficulté. L’ambiance aussi, avec ce héros qui pendant la nuit prend son vaisseau spatial et va tuer des aliens. Il se retrouve avec un pistolet laser et un pogo stick. C’est une ambiance complètement décalée que j’avais beaucoup aimée.

Le dernier jeu?

DOTA 2 parce que c’est un jeu multi. J’ai commencé sur Heroes of Newerth. C’était un peu la suite logique d’aller sur DOTA 2. Je suis très content de voir son évolution, tant d’un point de vue gameplay que tout ce qui entoure le jeu: événements, tournois, communauté. etc…

Merci Rowien et rendez vous à la PolyLAN le 18 avril!

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