Dans la série « jeu suisse que j’aime », voici le boss de fin. Drei, c’est l’alpha et l’omega de ce qui se fait de mieux chez nous. C’est le mélange subtil d’une mécanique parfaite jointe à un design sobre et puissant. C’est toute la précision et la folie de la Suisse au service du jeu vidéo. C’est un petit orgasme personnel.
Drei se présente sous les traits d’un jeu d’adresse et de réflexion. Au moyen de notre avatar, il va s’agir d’agencer des blocs de formes diverses jusqu’à occuper un point précis de l’écran. Si la structure ainsi construite tient en place quelques secondes, le niveau est validé. Tous les blocs sont régis par un moteur physique irréprochable. Lorsque je dis « irréprochable » c’est un euphémisme, jamais un jeu n’avait proposé une sensation si juste dans le déplacement d’objets. On sent qu’un travail titanesque a été fourni pour que le maniement des formes soit à la fois extrêmement précis pour les besoins du gameplay et totalement jouissif pour les besoins du joueur. A l’image de Call of Duty avec le tir à l’arme à feu, Drei fait de chaque déplacement un acte hautement gratifiant.
Autre aspect, autre brillante réussite: le online. Drei s’inscrit dans la nouvelle vague multijoueurs héritée de Demon Souls et Journey. D’autres joueurs peuvent apparaître en cours de partie pour vous prêter main forte dans la résolution des puzzles. Comme dans Journey, la communication se fait uniquement à travers les codes du jeu, soit quelques mots prédéfinis et surtout les déplacements de votre avatar dans l’espace. Si la plupart des niveaux peuvent être résolus seul, certains d’entre eux demandent la collaboration d’au moins un autre joueur. C’est d’ailleurs sûrement à ces occasions que Drei signe ses plus beaux moments, cette coopération réflexive ayant le goût rare de l’expérience inédite.
Expérience qui ne serait pas totalement réussie sans la présence d’un puzzle design de haut vol. Comme dans les meilleurs oeuvres d’un Terry Cavanagh, on trouve chez Etter Studio la même obsession de l’idée poussée dans ses retranchements. Chaque type de bloc, chaque forme, chaque propriété physique va être exploitée et combinée avec les autres de toutes les manières possibles: sensation agréable pour le joueur qui va être progressivement emmené à se dépasser dans sa maîtrise du jeu.
Si Drei a la précision mécanique d’une montre suisse, il a également un design caractéristique de notre beau pays. Avec ses grands aplats de couleurs et ses formes géométriques tout en angles droit, on y distinguerait presque un peu de notre neutralité couplée à notre légendaire rigueur. Les personnages semblent s’être échappés d’un théâtre cubiste. Ils font penser à des marionnettes taillées à la serpe pour s’accorder aux objets qu’ils manipulent.
Drei est élégant. De cette élégance qui demande une montagne de talent et des trésors d’équilibrage. A l’image d’un Journey, Drei n’en fait jamais trop ni trop peu, il se contente simplement d’être profond et consistant. Dans un marché mobile saturé de free to play vendant la quantité au lieu de la qualité, le jeu d’Etter Studio est un véritable bol d’air frais qui met pour la première fois la production suisse au niveau des plus grands.