Hubert le soldat était affalé dans sur le bureau, la tête dans les mains. De toute évidence le moral était dans les chaussettes. Il se tenait ainsi dans le silence depuis plusieurs minutes quand son chef entra.
- Hubert, qu’est-ce que vous foutez!
- Je ne sais pas trop chef.
- Je ne me rappelle pas de vous avoir demandé de roupiller sur mon bureau! On a un éléphant sur les bras, ce n’est pas exactement l’heure de faire la sieste.
- Justement chef, à propos de l’éléphant. Vous trouvez pas bizarre son accoutrement?
- Son côté Rambo? Pas plus que ça Hubert, il vient en solo taper toute notre armée, je trouve son déguisement plutôt approprié.
- Je sais pas, j’ai comme l’impression qu’il s’en fout de nous. Il vient plutôt sauver ces gens qu’il met sur son dos.
- Détrompez-vous soldat. S’il veut avancer sur notre terrain, il faut avant qu’il vous casse votre tête à vous, une technique un peu fastidieuse mais efficace pour que cela lui prenne plus de temps à nous vaincre. D’où le fait que ça m’ennuie de vous voir dans le bureau au lieu de vous battre.
- Mais chef, vous avez vu ses mouvements? Il se déplace avec une aisance défiant toute logique pour un pachyderme de cette taille. On avait prévu qu’il allait nous courir dessus et nous écraser de tout son poids, du coup on avait préparé des obstacles de feu, des hélicoptères et des précipices pour l’attaquer sur un terrain où il serait en difficulté. Seulement il s’en fout, il arrose nos pièges avec de l’eau, assomme nos hélicos avec des uppercuts de trompe et fait des bonds géants. Ca n’a aucun sens. On le croirait dirigé par un démon.
- Soldat, ne posez pas trop de questions. Il y a des choses que vous ne pouvez comprendre. Retournez vous battre maintenant.
Hubert ne semblait pas entendre, il continua le regard dans le vague.
- C’est comme les cacahuètes chef. Il y a des cacahuètes partout. Il y en a qui volent dans le ciel, il y en a dans les maisons, dans les pierres: tout ce qu’il casse contient des cacahuètes. On dit même que certains ont vu des cacahuètes géantes. J’ai l’impression que l’on nous cache quelque chose.
- OK Hubert, vous voulez la vérité, vous allez l’avoir. Mais ne vous plaignez pas ensuite si elle est insoutenable.
Le général fixa sa recrue quelques instants, semblant jauger de sa solidité avant de lâcher sa révélation.
- C’est un jeu Hubert! Vous et moi ne sommes que les fonctions d’un jeu. Je vous l’accorde, notre univers n’est pas des plus cohérents, ce qui nous a valu des critiques mitigées par de nombreux journalistes superficiels. Mais nous n’en sommes pas moins les petits bras d’une mécanique des plus divertissante.
- Alors, on ne la gagnera jamais cette guerre chef?
- Non Hubert, jamais. Nous sommes là pour le plaisir de quelqu’un là-haut qui dirige notre ennemi. Mais si cela peut vous rassurer, sa tâche n’est pas des moindres. Nos forces lui rendent la tâche ardue. Il lui faudra une bonne dose de talent pour nous massacrer jusqu’au dernier et sauver tous nos otages. Il paraît que c’est un ressort qualitatif important pour les joueurs. L’autre point qui nous distingue, c’est la richesse de nos tactiques: comme vous l’avez dit, nous faisons preuve d’une grande inventivité pour contrer son avance. Ces situations variées maintiennent l’envie de nous massacrer intacte tout au long du jeu. Certes nous mourrons, mais nous mourrons bien Hubert. Alors levez la tête et retournez vous battre.
Hubert n’eut jamais le temps de répondre. Un barrissement terrible retentit et le bâtiment fût brutalement balayé par un Tembo rigolard.